« C’est un champ de massacre: des soldats de Tsahal ont reçu l’ordre de tirer délibérément sur des Gazaouis désarmés attendant de l’aide humanitaire ». Tel est le titre réservé vendredi à sa une par le Haaretz. Le quotidien israélien cite plusieurs soldats, sous le couvert de l’anonymat, affirmant avoir reçu de leurs commandants des ordres de tirer sur des foules agglutinées près de centres de distribution d’aide dans la bande de Gaza pour les disperser, même lorsqu’elles ne représentaient aucune menace.
L’article est publié après une multiplication de drames en marge de distribution de l’aide humanitaire ayant fait des morts parfois par dizaines depuis fin mai. Interrogée par l’AFP, l’armée israélienne a s’est bornée à assurer, à plusieurs reprises, qu’en pareil cas, les soldats avaient ouvert le feu face à des « suspects » présentant une « menace ».
Le Haaretz ajoute que « le procureur général militaire a chargé (une structure interne ad hoc de l’armée) d’enquêter sur des crimes de guerre présumés » là où des civils palestiniens ont été tués par des tirs israéliens près de ces centres. Interrogée par l’AFP sur ce point précis, l’armée israélienne a indiqué n’avoir aucun commentaire à faire.
Benjamin Netanyahu, Premier ministre israélien, a rejeté « catégoriquement » les révélations du Haaretz les qualifiant « d’accusations odieuses de meurtre rituel ». Dans un communiqué commun publié avec Israël Katz, son ministre de la Défense, il a jouté que « ce sont des mensonges malveillants conçus pour salir Tsahal, l’armée la plus morale au monde ».
Massacres à la chaîne
António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a affirmé vendredi que « l’opération humanitaire soutenue par les États-Unis dans la bande de Gaza est intrinsèquement dangereuse », ajoutant clairement « qu’elle cause des morts ». Il a souligné que « les efforts humanitaires menés par l’ONU sont éprouvants et les travailleurs humanitaires eux-mêmes souffraient de la faim » expliquant « qu’ Israël, en tant que puissance occupante, est tenu d’approuver et de faciliter l’acheminement de l’aide vers la bande de Gaza et sur l’ensemble de son territoire ».
A.Guterres a déclaré aux journalistes que « des gens sont tués simplement parce qu’ils tentent de se nourrir et de nourrir leurs familles. La quête de nourriture ne devrait pas être une condamnation à mort », faisant référence « aux centaines de martyrs palestiniens morts alors qu’ils se rassemblaient aux points de distribution d’aide ». Il a ajouté : « Il est temps de rassembler le courage politique nécessaire pour mettre fin au cessez-le-feu à Gaza ».
Précédemment, un haut responsable de l’ONU a déclaré que « la majorité des victimes ont été tuées alors qu’elles tentaient d’atteindre les sites de distribution de la Fondation humanitaire pour Gaza ».
La Fondation humanitaire pour Gaza (GHF) emploie des sociétés privées américaines de sécurité et d’équipement et a commencé ses opérations à Gaza le 26 mai. Les Nations Unies ont refusé de coopérer avec cette organisation, exprimant de profonds doutes quant à son impartialité, l’accusant de « militariser l’aide » et « de forcer les habitants à fuir vers les sites de distribution ».
L’ONU a déclaré que « plus de 400 Palestiniens ont été tués depuis la levée partielle du blocus à l’entrée de l’aide le 19 mai, alors qu’ils attendaient de recevoir de l’aide, qu’elle provienne de l’ONU ou de la Fondation humanitaire pour Gaza ».
De son côté, le Département d’État US a annoncé hier « l’approbation d’un financement de 30 millions de dollars pour le Fonds mondial d’aide humanitaire, appelant les autres pays à le soutenir ». Ces propos interviennent alors que « plusieurs officiers et soldats de l’occupation israélienne ont admis plus tôt vendredi avoir tué des Palestiniens dans des centres de distribution dans la bande de Gaza ».
Médecins sans frontières (MSF) avait demandé plus tôt vendredi le démantèlement de GHF, affirmant que ce dispositif « est un simulacre de distribution alimentaire qui produit des massacres à la chaîne », avec « plus de 500 personnes tuées et près de 4.000 blessées ».
Ce vendredi, la Défense civile de la bande de Gaza a annoncé que l’armée d’occupation israélienne a tué 62 personnes, dont 10 qui attendaient de l’aide humanitaire près d’un centre de distribution. Dans la soirée, plus de 15 tentes ont été enterrées dans le sable suite à des bombardements israéliens au nord du Stade Palestine, dans la ville de Gaza. 10 martyrs ont été retrouvés alors que les recherches se poursuivent.
Farine à l’oxycodone
Par ailleurs, le Bureau des médias du gouvernement de la bande de Gaza a mis en garde contre la présence de comprimés de stupéfiants dans les sacs de farine provenant des centres estampillés GHF condamnant « un nouveau crime odieux ». Des Palestiniens ont trouvé des comprimés d’oxycodone, un stupéfiant dangereux, dans des sacs de farine distribués par ces centres, a indiqué le Bureau dans un communiqué de presse.Il a confirmé qu’au moins quatre cas avaient été recensés à ce jour, craignant que certaines de ces substances aient été intentionnellement moulues ou dissoutes dans la farine.
« Cet incident grave s’inscrit dans le cadre d’une politique systématique visant à démanteler de l’intérieur le tissu social palestinien, en utilisant la toxicomanie comme arme de guerre psychologique et douce », a-t-il aussi déploré.
Par ailleurs, deux membres gazaouis d’Action contre la faim ont été « tués par une frappe israélienne » dans la bande de Gaza jeudi, a annoncé vendredi cette ONG. Mohammed Hussein et Obada Abu Issa « ont été tués dans l’après-midi du 26 juin 2025 par une frappe israélienne dans une zone très peuplée de Gaza, qui n’avait pas encore reçu d’ordres de déplacement », a indiqué le communiqué de l’ONG.
Depuis octobre 2023, plus de 400 travailleurs humanitaires et plus de 1.300 professionnels de santé ont péri dans ce territoire, d’après un communiqué de Médecins du monde, diffusé en avril.
Jeudi, Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, avait dénoncé à cette occasion à Bruxelles une « situation » de « génocide ». Les dirigeants des États membres de l’Union européenne ont déploré, aussi, l’aggravation de la crise humanitaire à Gaza et le nombre croissant de victimes civiles, appelant Israël à lever totalement son blocus.
Guerre sans issue
Réuni en sommet à Bruxelles, le Conseil européen a exhorté Israël à permettre « un accès immédiat, sans entrave et à grande échelle » à l’ensemble de la bande de Gaza afin de permettre la distribution massive de l’aide humanitaire. Dans les conclusions adoptées lors du sommet, les dirigeants de l’UE ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la libération inconditionnelle de tous les otages, soulignant la nécessité d’une cessation permanente des hostilités. « L’Union européenne est prête à contribuer à tous les efforts déployés pour parvenir à cette solution et demande à toutes les parties de s’abstenir de toute action susceptible d’en compromettre la viabilité », ont-ils noté.
Les dirigeants européens ont également exhorté Israël à se conformer au droit international et à assurer la protection des civils et des travailleurs humanitaires, ainsi que des infrastructures civiles, notamment les hôpitaux, les écoles et les installations des Nations unies.
Par ailleurs, les dirigeants ont réitéré leur ferme condamnation de la violence des colons et de l’expansion illégale des colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et ont appelé à de nouvelles sanctions à l’encontre des colons extrémistes et leur soutien.
Yair Lapid, chef de l’opposition israélienne, a déclaré, jeudi, que Tel-Aviv avait échoué dans la bande de Gaza et que « la guerre était dans une voie sans issue », appelant à mettre fin à la guerre afin de récupérer les prisonniers.
Dans un message sur la plateforme X, il a affirmé que « ce que nous faisons actuellement (à Gaza) ne fonctionne pas. La guerre est dans l’impasse ». Il a poursuivi en affirmant qu’il « est temps de mettre fin à la guerre à Gaza. Les dirigeants doivent savoir quand est-ce qu’il faut changer de stratégie dès lors qu’elle ne fonctionne plus », jugeant qu’« il n’est pas juste de laisser des soldats israéliens à l’intérieur de Gaza comme cibles de nouvelles attaques. »
Les propos de Y. Lapid font suite à la mort de sept soldats israéliens à bord d’un véhicule blindé de transport de troupes, dans une embuscade soigneusement planifiée, menée mardi par les Brigades al-Qassam, branche armée du Hamas, à Khan Younes, au sud de la bande de Gaza. Cette embuscade a suscité des réactions de colère contre le gouvernement de B. Netanyahou.
La faim tue
Il y a lieu de relever que deux nourrissons sont morts de malnutrition et d’une pénurie de lait maternisé, jeudi soir, dans la bande de Gaza soumise à une agression et un blocus israéliens en cours. Des sources locales ont indiqué que les familles des nourrissons ont enterré leurs corps à l’hôpital Nasser de Khan Younes, au sud de la bande de Gaza, après avoir perdu la vie en raison du manque de soins de santé et de nutrition les plus élémentaires.
Des sources médicales ont mis en garde contre une catastrophe imminente menaçant la vie des nourrissons dans la bande de Gaza en raison de la grave pénurie de nourriture et de soins médicaux de base, compte tenu de l’intransigeance de l’occupation et de son blocage de l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza. Selon ces sources, le nombre de décès dus aux pénuries de nourriture et de médicaments à Gaza s’élève à 244, principalement des enfants et des personnes âgées.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé, le même jour, avoir acheminé une première cargaison d’aide médicale à Gaza, la première depuis le 2 mars dernier.
Dans un message publié sur X, Tedros Adhanom Ghebreyesus, patron de l’OMS, a précisé que « 9 camions transportant des fournitures médicales essentielles, 2 000 poches de sang et 1 500 unités de plasma » ont été livrés mercredi dans l’enclave palestinienne. Les fournitures ont franchi le poste-frontière de Kerem Shalom « sans aucun incident de pillage, malgré les conditions à haut risque sur le trajet », a-t-il souligné.
Le sang et le plasma ont été transférés dans les chambres froides du complexe médical Nasser, en vue d’être distribués aux hôpitaux « confrontés à de graves pénuries, alors que les blessés affluent en nombre croissant, notamment à la suite d’incidents sur les lieux de distribution alimentaire », a-t-il ajouté. Le reste du convoi sera acheminé dans les jours à venir vers les établissements de santé jugés prioritaires. « Quatre camions de l’OMS sont encore à Kerem Shalom, et d’autres sont en route vers Gaza », a précisé T. A. Ghebreyesus.
Cette livraison représente un rare succès après des mois d’accès humanitaire extrêmement limité, alors que les infrastructures de santé dans la bande de Gaza sont en ruine à cause des combats. « Mais ces fournitures médicales ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan. Une aide massive est indispensable pour sauver des vies », a averti le chef de l’OMS.
D. Trump fait durer le carnage
Dans son rapport quotidien publié jeudi, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé que le bilan de l’agression israélienne depuis le 7 octobre 2023 s’élevait à 56 259 martyrs et 132 458 blessés, dont 103 martyrs et 219 blessés durant les dernières heures. Le ministère a également alerté sur la détérioration de la situation humanitaire dans les camps de déplacés, où les citoyens vivent dans des conditions sanitaires et environnementales désastreuses, manquant de nourriture et d’eau potable, et où les maladies infectieuses se propagent en raison de la chaleur extrême et du manque de produits d’hygiène personnelle.
Depuis le 7 octobre 2023, l’occupation israélienne poursuit son génocide dans la bande de Gaza, semant meurtres, famine, destruction et déplacements forcés, tout en ignorant les appels internationaux la sommant à mettre fin à ce bain de sang.
Israel Hayom a rapporté jeudi, citant des sources politiques, que le président américain Donald Trump « exerce une pression intense sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou pour qu’il mette fin à la guerre dans la bande de Gaza ». Le journal israélien a noté que « la pression de Trump sur Netanyahu a commencé avant l’attaque contre l’Iran et a repris immédiatement après ».
Ces propos font suite aux déclarations du président américain mercredi selon lesquelles un accord mettant fin à la guerre dans la bande de Gaza était « très proche ». D. Trump a ajouté « qu’avant même que Washington ne lance ses attaques contre les installations nucléaires iraniennes, un accord sur Gaza était très proche », selon les informations qui lui ont été fournies par l’envoyé américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff.
De son côté, Taher al-Nunu, conseiller média du chef du bureau politique du Hamas, a déclaré hier que le mouvement « n’a pas encore reçu d’indications sérieuses de la part des médiateurs indiquant un réel changement de position du gouvernement israélien concernant la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza et un échange de prisonniers, mais les médiateurs tâtent le terrain auprès des parties ». Dans un communiqué de presse, il a expliqué que « les contacts avec les médiateurs se poursuivent, mais Netanyahu manque de volonté politique pour mettre fin à la guerre et à l’agression contre notre peuple ».