« En tant que Sud-Africains, nous sentons, voyons, entendons et ressentons au plus profond de nous-mêmes les politiques et pratiques discriminatoires inhumaines du régime israélien comme une forme encore plus extrême de l’apartheid institutionnalisé contre les Noirs dans mon pays », a déclaré mardi Vusimuzi Madonsela, ambassadeur de l’Afrique du Sud aux Pays-Bas. La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, tient cette semaine des audiences sur les conséquences juridiques de l’occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967, avec un nombre inédit de 52 pays appelés à témoigner. « Il est clair que l’occupation illégale d’Israël est également administrée en violation du crime de l’apartheid […] elle ne se distingue pas du colonialisme », a poursuivi l’ambassadeur. « L’apartheid d’Israël doit cesser », a-t-il ajouté, soulignant que l’Afrique du Sud avait une « obligation particulière » de dénoncer l’apartheid partout où il se produit et de veiller à ce qu’on « y mette un terme immédiat ».
Ces audiences interviennent dans un contexte de pression juridique internationale croissante sur Israël à propos de la guerre à Gaza déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre. Elles sont distinctes d’une affaire portée auprès de la CIJ par l’Afrique du Sud, qui accuse Israël de commettre des actes génocidaires à Gaza. La Cour doit encore se prononcer sur ce point, mais a appelé le 26 janvier Israël à prévenir tout éventuel acte de génocide. Elle n’a pas évoqué de cessez-le-feu. Selon V. Madonsela, « la réticence de la communauté internationale à tenir Israël responsable de ses politiques et pratiques et son incapacité à garantir le retrait immédiat, inconditionnel et total des troupes israéliennes et la fin immédiate de l’occupation israélienne et de l’apartheid en Palestine […] encourage Israël à franchir un nouveau seuil, à savoir commettre le crime des crimes, le génocide ».
Israël ne participe pas aux audiences mais a appelé la Cour à rejeter la demande d’avis dans une contribution écrite datée du 24 juillet 2023.
Le 31 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ un « avis consultatif » non contraignant sur les « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est». Cela concerne «l’occupation prolongée » du territoire palestinien depuis 1967. Elle doit aussi examiner les mesures « visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem ».
En juin 1967, Israël a mené la guerre des Six Jours, s’emparant de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est au détriment de la Jordanie, du plateau du Golan au détriment de la Syrie, de la bande de Gaza et de la péninsule du Sinaï au détriment de l’Égypte. Israël a ensuite commencé à occuper les 70 000 kilomètres carrés de territoires arabes saisis, occupation déclarée ensuite illégale par les Nations unies.
« L’interdiction de l’apartheid et de la discrimination raciale est […] un impératif du droit international » contraignant pour tous les États, y compris Israël, a déclaré Pieter Andreas Stemmet, avocat de l’Afrique du Sud. « Le mépris total d’Israël et le manque de respect pour ces principes fait que l’occupation est intrinsèquement et fondamentalement illégale », a-t-il ajouté. Les audiences ont débuté le 19 février avec trois heures de témoignages de responsables palestiniens, qui ont accusé les occupants israéliens de diriger un système de « colonialisme et d’apartheid ». La CIJ statue sur les différends entre États et ses arrêts sont contraignants, bien qu’elle ne dispose que de peu de moyens pour les faire appliquer. Toutefois, dans le cas présent, l’avis qu’elle rendra ne sera pas contraignant. Mais la plupart des avis consultatifs sont en fait suivis d’effets.
Ministres, diplomates et avocats de cinquante-deux pays et de trois organisations internationales, y participeront du 19 au 26 février 2024, au Palais de la paix à La Haye où siègent les quinze juges de la cour mondiale. La plus haute juridiction de l’ONU doit se pencher sur les racines du conflit israélo-palestinien.
Le recours à la CIJ remonte au 30 décembre 2022. Ce jour-là, l’Assemblée générale de l’ONU demande à cette Cour de fournir un conseil juridique sur la légalité ou l’illégalité de l’occupation israélienne, et sur ses conséquences. Deux questions sont alors soumises aux quinze juges, qui devront dire quelles sont « les conséquences juridiques de la violation par Israël du droit des Palestiniens à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongée du territoire palestinien depuis 1967 ».
Les États volontaires ont soumis à la cour des mémoires écrits en juillet 2023, bien avant l’opération Déluge d’Al-Aqsa menée par le Hamas et les représailles qui ont suivi. Seuls quelques États ont fourni une réplique avant le délai fixé par la cour au 25 octobre. La cour procède donc depuis lundi au dernier tour de plaidoirie, viva vocce cette fois.