Rafales des mitrailleuses Dushka et tirs d’artillerie persistent dans de nombreuses villes soudanaies, Khartoum en tête. Toute la nuit, les armes ont tonné et des avions de combat ont même été de la partie. L’horizon était brouillé de fumée noire en direction des différentes bases militaires autour de la ville. En soirée, les affrontements continuaient dans la capitale et à travers le pays. Deux grands incendies se sont déclarés à Khartoum, notamment autour du commandement général de l’armée soudanaise et de l’aéroport international.

Au cœur de Khartoum, le quartier général de l’armée régulière a été le théâtre d’intenses combats dimanche. Parfois, des avions survolaient la zone et bombardaient des positions. La guerre des déclarations bat aussi son plein. De petits groupes de soldats s’affrontaient encore ce dimanche soir au coin des rues, à pied, sur des pick-up ou des blindés.

Au milieu des combats, des journalistes et employés se sont retrouvés coincés dans des tours. Des collégiens se sont tapis dans les sous-sols de leur école. Plusieurs personnes confirment la présence de snipers sur les toits. Ceux qui sortent pour fuir les zones de combat risquent des balles perdues. Dans la capitale, des corps affluent dans les morgues et la situation dans certains hôpitaux est critique, parfois sans électricité et face à l’impossibilité de faire circuler les ambulances.

L’armée et les paramilitaires ont annoncé ouvrir des couloirs humanitaires, dimanche à 14 heures TU, demandés par les Nations unies, pour évacuer des blessés « pendant trois heures », se gardant, des deux côtés, un « droit de riposte en cas de violation » de l’accord. Ce cessez-le-feu n’a pas du tout été respecté par les soldats, malgré l’accord de leur commandement.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé, dimanche, la suspension de ses opérations au Soudan, pour des raisons sécuritaires, après la mort de trois humanitaires qui travaillaient pour cette agence onusienne. Ils ont été tués « samedi en accomplissant leur travail au Darfour-Nord », a précisé Volker Perthes, émissaire de l’ONU au Soudan. Les responsables de la mort des trois humanitaires du PAM doivent être « traduits en justice au plus tôt », a réclamé dimanche le porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Antonio Guterres « condamne fermement » la mort de civils, dont celle de ces trois humanitaires, a ajouté Stéphane Dujarric, porte-parole. « Les locaux des Nations unies et d’autres organisations humanitaires ont également été touchés par des projectiles et pillés dans plusieurs endroits du Darfour », a-t-il regretté.

Paris exprime sa « consternation ». Dans un communiqué, le ministère français des Affaires étrangères « réitère son appel à tout mettre en œuvre pour faire cesser les combats et prévenir toute escalade » et appelle au « plein respect de la protection due aux personnels humanitaires ».

Le conflit s’est étendu à de nombreuses villes, à Port-Soudan et Kassala, dans l’est du Soudan, à El-Obeid au centre, et toujours au Darfour dans les grandes villes. Le général Hemedti l’avait annoncé samedi que ses hommes ne s’arrêteront pas tant qu’elles n’auront pas le contrôle de toutes les bases militaires du pays.

Frères-ennemis, les deux généraux, Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti, anciens alliés lors du coup d’état de 2021, semblent s’être lancés dans un combat à mort. Les deux sont notamment en désaccord sur la façon d’intégrer les RSF au sein de l’armée, disposition prévue dans le futur accord politique censé rendre à terme le pouvoir aux civils. Accord dont la signature a été reportée sine die.

Pour le moment, tous deux restent sourds aux appels à la désescalade qui se multiplient depuis l’étranger. Des politiciens à Khartoum, dont Abdallah Hamdok, ancien Premier ministre exilé aux Émirats, disent essayer en vain de joindre les deux forces pour les ramener à la raison.

Dès samedi, les appels à la cessation des hostilités se sont multipliés de la part des Nations unies, des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et de pays voisins. Le Tchad a fermé sa frontière samedi soir avec le Soudan. La Ligue arabe s’est réunie d’urgence dimanche au Caire, à la demande de l’Égypte et de l’Arabie saoudite. Elle appelle à une « solution politique » et reste mobilisée pour ce faire.

De son côté, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, va se rendre « immédiatement » au Soudan « pour engager les parties vers un cessez-le-feu », a annoncé, dimanche, l’organisation panafricaine. Exprimant sa « profonde inquiétude » sur la situation, l’UA a également appelé les forces des deux généraux à « protéger les civils », dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion d’urgence du Conseil de paix et sécurité de l’organisation, cet après-midi.

La première cause de préoccupation pour Le Caire est l’arrestation par les Forces de Soutien Rapide de militaires égyptiens qui participaient à des manœuvres aériennes avec l’aviation soudanaise. Des Mig-29 égyptiens qui participaient aux manœuvres aériennes ont été sabotés sur la piste de l’aéroport et les pilotes ont été accusés d’être « des envahisseurs » et donc des prisonniers de guerre : c’est ce qu’ont déclaré des officiers de la Force de soutien rapide (FSR) dans une vidéo où l’on voyait des militaires égyptiens malmenés à l’aéroport soudanais de Merowe. Les déclarations ultérieures du général Hemedti, visant à rassurer et à empêcher que l’Égypte ne devienne partie prenante dans le conflit opposant sa milice à l’armée soudanaise, n’ont pas convaincu.

L’autre raison est liée au barrage sur le Nil Bleu. Le Caire et Khartoum étaient alliés contre Addis-Abeba et se livraient régulièrement à des manœuvres aériennes pour laisser entendre qu’ils avaient les moyens d’intervenir. L’écartement des militaires du pouvoir ferait voler ce pacte en éclat. Une autre cause de préoccupation est liée à l’histoire. Le Soudan était dirigé par l’Égypte jusqu’en 1956. Un pays politiquement considéré par l’Égypte comme son arrière-cour. Il y a enfin l’appréhension d’un raz de marée de réfugiés soudanais. On estime à cinq millions le nombre de Soudanais résidant en Égypte. Un nombre qui, pour des raisons économiques, augmente de 40 000 personnes par mois, selon un ancien ambassadeur soudanais.

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