Les condamnations continuent de fuser du côté des dirigeants des pays alliés et amis d’Israël, manifestement horrifiés par les images du génocide et des bombardements qui continuent de faucher chaque jour la vie des dizaines de Palestiniens de la bande de Gaza. La veille lundi, des images ont immortalisé la jeune fille Ward fuyant le feu causé par un raid israélien sur l’école Fahmi Al-Jarjaoui où elle s’était déplacée depuis Beit Lahia avec les membres de sa famille. On apprend ce mardi qu’elle est la seule survivante des 33 martyrs de ce massacre à Gaza-ville.

La semaine dernière, pour la première fois, le spectre de sanctions a été brandi par l’Union européenne qui a décidé de revoir son accord d’association avec Israël, comme l’avait annoncé Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie. Ultimatum toujours en suspens.

Mardi, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a qualifié d’ « odieux » le bombardement israélien de cette école à Gaza et de sites abritant des civils. « L’intensification des opérations militaires d’Israël à Gaza, visant des infrastructures civiles – dont une école servant de refuge à des familles palestiniennes déplacées – et provoquant la mort de civils, y compris des enfants, est odieuse », a-t-elle affirmé lors d’un appel avec le roi de Jordanie. « Cette escalade et ce recours disproportionné à la force contre des civils ne peuvent être justifiés au regard du droit humanitaire et international », a-t-elle ajouté, rappelant que l’Union européenne « avait toujours soutenu, et continuera à soutenir, le droit d’Israël à se défendre ».

Israël doit « immédiatement » rétablir l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, a-t-elle encore déclaré, appelant le gouvernement israélien à mettre un « terme immédiat à l’escalade militaire en cours ». Point de sanction dissuasive en vue ! En Allemagne, son pays d’origine où elle était ministre des Armées, et réputée pour être l’un des soutiens européens les plus fervents à Israël, un certain changement de ton est décelé par les observateurs. « Ce que nous voyons dans la bande de Gaza n’est en aucun cas acceptable – les souffrances qui y sont causées, les tueries – il faut y mettre un terme », a dit son chancelier Friedrich Merz lors d’une conférence de presse à l’issue d’un entretien mardi avec le Premier ministre finlandais à Turku (Finlande). « Ce qui s’est passé ces derniers jours ne me semble plus absolument nécessaire à la défense du droit à l’existence d’Israël et à la lutte contre le terrorisme du Hamas », a dit F. Merz.

La semaine dernière, alors que les dirigeants canadien, français et britannique avaient condamné les actions d’Israël dans une déclaration commune, F. Merz s’était abstenu de critiques ouvertes, compte tenu des relations sensibles avec Tel-Aviv en raison de la responsabilité historique de l’Allemagne dans l’Holocauste des juifs. Mais les déclarations du chancelier allemand ne semblent pas présager plus que des condamnations verbales.

Lundi, le ministre allemand des AE a assuré que Berlin allait continuer à vendre des armes à Israël. « En tant que pays qui considère la sécurité et l’existence d’Israël comme un principe fondamental, l’Allemagne est toujours tenue d’aider Israël à garantir sa sécurité », a déclaré Johann Wadephul à l’issue d’une rencontre à Madrid avec José Manuel Albares, son homologue espagnol. Alors que l’Espagne plaide pour un embargo généralisé et forme avec l’Irlande et la Norvège le trio qui critique le plus ouvertement Israël en Europe, la Belgique semble vouloir le rejoindre. Son ministre des Affaires étrangères et président des Engagés parle sans détour de génocide. « Je ne sais pas quelles autres horreurs doivent encore se produire pour parler d’un génocide », a déclaré Maxime Prévot, pour le magazine flamand Humo. « Les discours ne suffisent plus, il faut passer aux actes pour faire bouger Israël » a-t-il insisté. « Ils me mettent très en colère. Depuis avril, je dis que le blocus humanitaire est une honte absolue. Affamer délibérément une population est un crime de guerre. C’est pourquoi j’ai mis sur la table du gouvernement une série de mesures, dont des sanctions contre Israël. » Sans préciser lesquelles.

Espen Barth Eide, ministre norvégien des Affaires étrangères, a qualifié lundi la situation dans la bande de Gaza palestinienne de « catastrophique », appelant à un arrêt « immédiat » de la guerre génocidaire en cours.

Le ministre norvégien a fait cette déclaration lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue jordanien, Ayman Safadi, dans la capitale, Amman. « La situation à laquelle nous assistons à Gaza est catastrophique et incroyable et doit cesser immédiatement », a-t-il déclaré tout en affirmant que « le déplacement forcé constitue une violation du droit international… L’expulsion des Palestiniens viole tous les principes internationaux ».

Pour sa part, Jonas Gahr Støre, Premier ministre, a déclaré que la communauté internationale n’en fait pas assez pour Gaza et des mesures fortes sont nécessaires à l’encontre d’Israël. « Je ne pense pas que nous fassions tout ce que nous pouvons, car ce qui se passe (là-bas, ndlr) dépasse complètement toutes les normes et standards acceptables. Ce n’est pas seulement une situation humanitaire complexe. C’est une catastrophe, et il s’agit d’un remplacement de population. La liste des violations du droit et des principes internationaux est extrêmement longue », a-t-il affirmé en marge d’une réunion avec ses homologues nordiques en Finlande.

Il intervenait en réponse à une déclaration faite par Petteri Orpo, son homologue finlandais, qui affirmait que « nous faisons tout ce que nous pouvons pour trouver une solution, (atteindre) la paix et mettre fin au massacre ».

« Chaque message, chaque appel téléphonique, chaque appel à prendre en compte les préoccupations humanitaires, à respecter le droit humanitaire, a été ignoré par Israël, et ce que nous voyons aujourd’hui, sous nos yeux, est probablement la pire attaque humanitaire contre des civils, des civils innocents et très vulnérables », a ajouté J.G. Støre auprès de l’AFP. « Je pense donc que des mesures plus fortes sont nécessaires. Ce n’est pas quelque chose qu’un pays comme la Norvège peut faire seul, mais les signaux en provenance du Canada, du Royaume-Uni, de la France, indiquant qu’il faut envisager des sanctions ciblées contre des individus, ou d’autres types de mesures, doivent être pris en compte — et nous les soutenons », a-t-il souligné. La Norvège a reconnu l’Etat de Palestine le 28 mai 2024 de façon simultanée avec l’Irlande et l’Espagne et s’est imposée ces derniers mois comme l’une des voix les plus critiques à l’égard du gouvernement de Benjamin Netanyahu. Le 30 janvier 2025, le gouvernement norvégien a annoncé le versement d’une aide de 275 millions de couronnes (24 millions d’euros) à l’agence de l’ONU dédiée aux Palestiniens (Unrwa) au jour de l’entrée en vigueur de l’interdiction par Israël des activités de l’agence.

Entre temps, les Palestiniens de Gaza continuent de mourir par plusieurs dizaines chaque jour. La Défense civile a recensé durant ces 24 dernières heures 79 martyrs et 163 blessés. Ce qui porte à 54.056 martyrs et 123.129 blessés le bilan des victimes depuis octobre 2023. Mardi, il est question de 13 martyrs depuis l’aube. Une frappe a visé une Tekiye, un point de distribution de la nourriture dans l’école Chaabane Rayes dans le quartier Touffah à Gaza-ville. 3 personnes ont été tuées.

S’ajoutent aux massacres et à la famine, les ordres d’évacuation qui font que les gens sont en déplacement continu. La nouvelle offensive militaire israélienne lancé depuis le 18 mars et visant à prendre le contrôle de la totalité de l’enclave a entraîné le déplacement forcé 616 000 personnes, dont près de 180 000 personnes au cours des dix jours précédant le 25 mai, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Pendant le cessez-le-feu, environ un demi-million de Palestiniens avaient pu rentrer chez eux, mais « ces progrès fragiles ont été réduits à néant ».

Une chirurgienne britannique en mission dans un hôpital de Gaza a déclaré lundi n’avoir « jamais vu autant de blessés par explosion », que dans l’enclave palestinienne ravagée par vingt mois de guerre. « Je n’ai jamais vu autant de blessures par explosion de toute ma vie, ni autant de blessés à Gaza », a affirmé Victoria Rose, membre d’une délégation médicale britannique présente à l’hôpital Nasser, dans la ville de Khan Younès (sud). La médecin qui s’est rendue à plusieurs reprises dans la bande de Gaza, a expliqué avoir constaté de nombreuses brûlures graves, typiques des personnes exposées à des explosions. « Nous observons ces blessures également chez de très jeunes enfants », a-t-elle ajouté depuis le service pédiatrique de l’hôpital.

Depuis la reprise des bombardements le 18 mars, Israël mène plusieurs dizaines de frappes aériennes par jour contre les civils dans la bande de Gaza. Les organisations humanitaires affirment qu’il n’existe plus aucun lieu sûr dans le territoire enclavé.

La chirurgienne a fait état d’un pourcentage assez élevé de brûlures auxquelles il est très difficile de survivre, « même dans les pays occidentaux où il n’y a pas de guerre et où nous disposons d’hôpitaux en état de marche et de tout le matériel médical à portée de main ». Elle a également décrit un autre type de blessures provoquées par les explosions: « tout ce qui entoure les victimes est projeté à très grande vitesse, frappe les civils et provoque des lésions pénétrantes ».

Selon elle, les victimes subissent fréquemment des amputations. Et comme beaucoup vivent sous des tentes, elles arrivent souvent à l’hôpital avec des plaies souillées de terre. « La première chose que nous faisons, c’est nettoyer les plaies, les recouvrir, puis tenter de sauver autant que possible le membre atteint », a-t-elle expliqué. Ces difficultés sont aggravées par le nombre de plus en plus réduit d’hôpitaux encore opérationnels dans Gaza. « Au deuxième étage, l’un des services a été détruit par une frappe. Au quatrième, c’est l’unité des grands brûlés qui a été touchée », a-t-elle précisé. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a indiqué la semaine dernière que « 94 % des hôpitaux de Gaza sont désormais endommagés ou détruits, et que la moitié ne sont plus opérationnels ». Soit autant que le pourcentage des terres agricoles désormais condamnées pour plusieurs années.

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