Donald Trump a créé la surprise, mardi 13 mai, en annonçant depuis Riyad, en Arabie saoudite, qu’il levait les sanctions américaines contre la Syrie, à la veille de sa rencontre avec le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa en Arabie saoudite. « Je vais ordonner l’arrêt des sanctions contre la Syrie pour leur donner une chance de grandeur », a dit le président américain, en indiquant être parvenu à cette décision après des demandes pressantes de son hôte, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman. La Maison Blanche a annoncé que D. Trump rencontrera mercredi A. Al-Charaa, en Arabie saoudite. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre de la tournée du président américain au Moyen-Orient. Selon un haut responsable de la Maison Blanche ayant requis l’anonymat, « le Président a accepté de saluer le président syrien demain en Arabie saoudite ». Aucun détail supplémentaire n’a été communiqué quant à la nature ou au contenu de l’entretien prévu.
D. Trump s’est rendu à Riyad accompagné de plusieurs grands patrons, dont son allié Elon Musk. Fidèle à son approche transactionnelle, le président américain avait promis d’encaisser de « gros chèques » pendant son déplacement. Et effectivement, dans la capitale saoudienne, les affaires ont visiblement été fructueuses. Le milliardaire a signé, avec l’homme fort de Riyad un « partenariat économique stratégique ». L’exécutif américain a estimé le montant revenant aux États-Unis à 600 milliards de dollars, ce qui correspond au chiffre qu’avait avancé le dirigeant de facto du royaume saoudien en janvier.
Selon le communiqué américain, l’Arabie Saoudite doit acquérir pour 142 milliards de dollars d’équipements militaires « de pointe », ce qui en ferait, d’après la même source, le « plus important (contrat de défense) de l’histoire ». La société saoudienne DataVolt, elle, va engager « 20 milliards de dollars dans des centres de données et des infrastructures énergétiques liés à l’intelligence artificielle » aux Etats-Unis, toujours selon la Maison Blanche. Washington évoque aussi des contrats technologiques d’un montant total de 80 milliards de dollars impliquant Google, les éditeurs de logiciels Oracle et Salesforce, ou le géant des semi-conducteurs AMD.
M. ben Salman, dirigeant de facto du royaume, a réservé à D. Trump, sensible à la pompe protocolaire, un accueil sur mesure, avec escorte d’avions de combat, garde à cheval et fastes du palais royal. La cordialité évidente entre les deux hommes, que l’on a vu deviser avec animation et force sourires, a marqué cette première journée de déplacement. « Je pense vraiment que nous nous apprécions beaucoup », a insisté le président américain, qui doit poursuivre sa tournée au Moyen-Orient avec des arrêts au Qatar, puis aux Emirats arabes unis.
M. ben Salmane, s’est déplacé en personne pour accueillir D.Trump. Les deux hommes ont échangé poignées de main et gestes d’amitié, conversant avec animation tandis qu’ils remontaient le tapis couleur lavande déroulé au pied de l’avion, puis pendant une cérémonie d’accueil à l’aéroport autour de tasses de café. Si l’on excepte un aller-retour éclair à Rome pour les funérailles du pape François, il s’agit du premier déplacement majeur à l’étranger depuis le début du second mandat du président républicain. Huit ans plus tôt, Donald Trump avait déjà choisi le royaume saoudien pour son premier voyage international.
La décision de faire passer à nouveau les riches monarchies pétrolières et gazières du Golfe avant ses alliés occidentaux reflète aussi leur rôle géopolitique croissant. Ryad, Doha et Abou Dhabi devraient réserver un accueil royal à ce président porté sur le faste, accompagné d’annonces de contrats mirobolants, de la défense à l’aviation, en passant par l’énergie ou l’intelligence artificielle. Une perspective bienvenue pour le président américain, qui a de plus en plus de mal à convaincre ses concitoyens du bien-fondé de sa politique économique.
La visite s’inscrit dans une séquence diplomatique frénétique pour Washington. Le président américain revendique un rôle déterminant dans la conclusion d’un cessez-le-feu entre l’Inde et le Pakistan, et se dit prêt à aller en Turquie à la rencontre des présidents ukrainien et russe pour faire avancer les négociations sur une cessation des hostilités en Ukraine. Il a aussi obtenu la libération d’un otage israélo-américain à Gaza.
Washington a également mené de nouveaux pourparlers dimanche avec l’Iran sur le dossier nucléaire, et conclu un accord de cessez-le-feu avec Sanaa au Yémen.
Face à une diplomatie américaine hyperactive mais dont la stratégie de long terme n’est pas toujours lisible, les Etats du Golfe chercheront à comprendre, voire à influencer, la position de D. Trump sur les grands sujets régionaux, dont Gaza et la Syrie. Mais la priorité sera bel et bien économique. « Des sources à la Maison Blanche ont indiqué que le président se concentrera sur des deals », écrit Daniel B. Shapiro, chercheur au sein du think tank Atlantic Council.
En janvier, M. ben Salmane, s’était engagé à injecter 600 milliards de dollars aux Etats-Unis. « Je demanderai au prince héritier – un type formidable – d’arrondir ça à mille milliards », avait immédiatement répondu le président américain, qui se flatte de savoir, comme personne, passer des « deals » avantageux. Selon un responsable saoudien proche du ministère de la Défense, Ryad cherche notamment à verrouiller des livraisons de chasseurs F-35 et de systèmes de défense antiaérienne.
Alors que la guerre continue de faire rage à Gaza, la normalisation avec Israël semble exclue de l’agenda, Ryad assurant qu’aucun progrès n’est envisageable sans l’établissement d’un Etat palestinien. Avant même d’avoir atterri dans le Golfe, D. Trump s’est attiré de vives critiques de l’opposition aux Etats-Unis, qui lui reproche d’avoir accepté un Boeing 747-8 offert par la famille royale du Qatar pour remplacer au moins provisoirement son avion officiel, et pour l’utiliser après son mandat. Le président américain a répliqué que l’avion était un « cadeau temporaire » qu’il serait maladroit de rejeter.