« Nous parlons d’une seule voix contre l’ingérence gouvernementale sans précédent » menaçant « l’enseignement supérieur américain », s’alarment la centaine de présidents d’université et de responsables d’associations signataires d’une déclaration commune, publiée en plein bras de fer entre l’administration Trump et Harvard.
« Nous sommes ouverts à des réformes constructives et ne sommes pas opposés à une supervision légitime du gouvernement », précisent les auteurs de ce texte, tout en s’opposant à l’ « introduction injustifiée du gouvernement » sur les campus universitaires et à toute « utilisation coercitive du financement public de la recherche ».
Lundi, Harvard – membre de l’Ivy League, qui regroupe huit des plus prestigieuses universités du pays, parmi lesquelles Brown, Cornell, Princeton et Yale, également signataires du communiqué – a attaqué l’administration de Trump en justice contre le gel de 2,2 milliards de dollars de subventions fédérales pour avoir rejeté des exigences du gouvernement américain la semaine dernière.
Le président Trump menace d’aller encore plus loin en supprimant l’exemption d’impôts accordée à Harvard, qu’il a accusée de propager « haine et imbécilité ». Son administration a également menacé d’interdire l’accueil d’étudiants étrangers, si elle n’acceptait pas de se soumettre à un contrôle en matière d’admissions, d’embauche et d’orientation politique. Les élus républicains ont par ailleurs annoncé avoir lancé une enquête sur Harvard au Congrès, l’accusant de violer les lois sur l’égalité.
L’administration américaine s’attaque depuis plusieurs semaines aux universités prestigieuses du pays, qu’elle accuse d’avoir laissé prospérer l’antisémitisme pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza, ce qu’elles réfutent.
Dans sa plainte devant un tribunal fédéral du Massachusetts, Harvard affirme au contraire procéder « activement à des réformes structurelles pour éradiquer l’antisémitisme de son campus ». Elle y dénonce la décision « arbitraire » de l’administration de geler le « financement de la recherche médicale, scientifique, technologique et d’autres recherches qui n’ont rien à voir avec l’antisémitisme ». « Les actes du gouvernement empiètent non seulement sur le Premier amendement (de la Constitution qui garantit la liberté d’expression, NDLR) mais aussi les lois et réglementations fédérales », plaide également ce document.
La position de Harvard a été saluée par de nombreux professeurs et étudiants comme un rare signe de résistance, alors que l’université new-yorkaise Columbia a accepté, elle, d’engager des réformes sous la pression de l’administration républicaine.
Début février, le National Institute of Health (NIH), agence fédérale chargée de la recherche médicale, a annoncé une coupe importante dans ses financements alloués aux universités et centres de recherche, vantant une économie annoncée de plus de 4 milliards de dollars par an. Une décision condamnée avec force par la communauté scientifique et universitaire, dont la prestigieuse institution Johns Hopkins, qui avait exprimé sa vive préoccupation quant aux « conséquences potentielles pour la recherche scientifique et médicale aux Etats-Unis ».
Selon la plainte de 51 pages présentée par Harvard, le gouvernement tenterait de « micromanager » l’université en exigeant un contrôle fédéral sur le contenu académique, les décisions de personnel et le filtrage idéologique des étudiants internationaux. « Le marché proposé à Harvard et aux autres universités est clair : permettez au gouvernement de micromanager votre institution académique ou mettez en péril la capacité de l’établissement à poursuivre des avancées médicales, des découvertes scientifiques et des solutions innovantes », déclare l’équipe juridique de Harvard dans sa plainte, citée par les médias israéliens. L’université affirme que les conditions fixées dans les lettres envoyées par les agences fédérales les 3 et 11 avril violeraient ses droits garantis par le Premier Amendement et le Titre VI de la Loi sur les droits civils.
Cette action en justice suit l’annonce par le gouvernement fédéral du gel de 2,2 milliards de dollars de financement, justifié par l’échec de Harvard à lutter contre le soi-disant antisémitisme sur le campus. La plainte vise plusieurs agences fédérales dont les Départements de l’Éducation, de la Justice, de l’Énergie et de la Défense, ainsi que la NASA et la National Science Foundation.
Harvard, comme d’autres universités américaines, a connu une recrudescence de manifestations contre la guerre génocidaire israélienne à Gaza qui a couté la vie à plus de 51000 Palestiniens, dont une majorité de femmes et d’enfants.