L’aile ou la cuisse ?
Dingue ! Les membres de l’actuel Exécutif n’en finissent pas de mener en bateau les pauvres hères dont certains ont voté pour qu’ils soient placés à la barre. Ahmed El Bouari, ministre de l’Agriculture (etc ), a enfin daigné reconnaitre que volatilité des prix caractérise le secteur de la volaille. Soit ! Sauf que ledit responsable a cru bon de justifier la hausse qui pénalise les consommateurs en l’imputant aux dysfonctionnements dans le circuit de commercialisation des viandes blanches. Le coût des intrants, notamment les matières premières des aliments composés, ainsi que le renchérissement du prix des poussins, ont été avancés comme arguments massues de nature à faire taire tous ceux qui osent piailler d’impatience devant le manque de réactivité patente du cabinet Akhannouch. Maigre consolation et légère justification que celle-là, surtout venant d’un responsable dont la tâche consiste, justement, à veiller au grain sur le bon déroulement des activités du secteur qu’il est censé piloter. Gouverner, c’est prévoir. Et non pas subir ! En d’autres termes, tout responsable qui se respecte doit faire preuve d’une grande perspicacité et d’une inusable sagacité que tout retournement de conjoncture ne saurait perturber. Bref, question de proactivité, A. El Bouari en manque scandaleusement ! Lui qui récite la fiche que ses services lui ont glissé avant de se présenter devant les élus de la nation pour leur affirmer, sans ciller, que « le niveau de production reste stable et suffisant pour couvrir 100 % des besoins de consommation nationale », et que la miraculeuse stratégie « Génération Verte 2020-2030 » ambitionne de hisser la production nationale à 912.000 tonnes de viande blanche et 7,6 milliards d’œufs par an, contre une moyenne actuelle de 745.000 tonnes et 6,1 milliards d’unités. Et d’ajouter sans hésiter que sur le plan réglementaire, l’ensemble de la chaîne avicole est soumise à la loi 49.99 relative à la prévention sanitaire de l’élevage des volailles et au contrôle de la production et de la commercialisation de leurs produits. Dispositif permettant une traçabilité rigoureuse et un encadrement sanitaire assuré par l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA).
Le responsable qui a évoqué la batterie de décisions, notamment l’exonération des droits de douane sur les importations de poussins, le soutien à l’investissement dans les équipements de réfrigération et les unités de valorisation des sous-produits avicoles, ainsi que l’encouragement à la création d’abattoirs industriels agréés et à l’émergence d’une chaîne de valeur structurée, a cru bon de faire partager aux représentants de la nation son sentiment sur le dossier. A ses yeux, glissa-t-il, la pression actuelle sur les prix est imputable à une mutation des habitudes de consommation : une large frange de la population se détourne désormais des viandes rouges au profit de la volaille, plus accessible et perçue comme plus saine. Bref, le coupable est tout trouvé : c’est le consommateur final !
Reste à rappeler à notre héros du jour que bien des contrats-programme avaient été négociés avec les filières pour leur permettre de tirer leur épingle du jeu sans grande peine. Dès lors, quid des retombées de l’accord conclu avec la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA) en mai 2023, portant sur l’intensification de la production à travers une hausse du nombre de poussins mis en élevage. Engagement qui plus est s’inscrit dans le prolongement des contrats-programmes signés dans le cadre du Plan Maroc Vert (2008-2020), qui avaient permis à la filière d’atteindre un chiffre d’affaires annuel de 41,7 milliards de dirhams, tout en générant 150.000 emplois directs et 350.000 emplois indirects, tonne-t-on ?
Il n’y a pas de quoi bomber le torse et lancer de cocorico. Les engagements pris par les uns et les autres n’auront tenu que le temps de la signature des conventions. Le tout à l’encre magique ! Nul besoin de rappeler au responsable comme aux aviculteurs que le pauvre consommateur les voue aux gémonies. Lui qui, il n’y a pas si longtemps, avait le choix entre l’aile ou la cuisse. Du poulet fermier, pardi. Et si les politiques caquettent, il n’y a désormais plus grand monde à leur accorder un grand intérêt. Surtout lorsque les promesses de la veille disparaissent comme par enchantement le lendemain. Quel poulailler !