Ainsi, transformant l’hémicycle parlementaire en tribune d’accusations, reproches ont été faits à l’Exécutif de piloter une stratégie baptisée Halieutis sans considération pour les intérêts du pays. Au-delà des éléments d’opacité ayant marqué de tout temps l’exploitation des zones poissonneuses tout le long des façades méditerranéenne et atlantique, ce qui en fait des milliers de miles assimilés aux zones économiques exclusives, car il n’y a pas eu de rupture avec l’économie rentière qui profite à d’aucuns sans les autres, ils ont contesté la politique tournée vers l’export au détriment du marché local.
Les Marocains qui ont la chance de passer par les villes espagnoles profitent des « tapas » mitonnés avec les ingrédients bien marocains : produits de la mer et horticoles bien compris. Et le pire dans ce processus de subordination à ce débouché extérieur, et il n’est pas le seul cas patent de l’échange inégal théorisé par le défunt Samir Amin, c’est la facture acquittée en bout de course. Rien à voir avec les prix affichés de ce côté-ci du Détroit.
C’est à croire que les décideurs marocains ont fait le pari d’engendrer une nouvelle espèce de Marocains, sans peau et sans arêtes ! Les mercuriales sont à même de renseigner quiconque sur les prix rédhibitoires affichés sous nos yeux : la sardine à 15 dirhams le kilo alors que des tonnes et des tonnes de ce petit pélagique, pompées de Tan-Tan à Dakhla dans des conditions peu orthodoxes, se retrouvent détournées du marché de bouche vers les usines de farine de poisson.
Quant au poisson noble, ses débouchés sont connus : le gros va enrichir les étals des marchés européens. Seul un petit reliquat fait le bonheur des consommateurs locaux qui ont les moyens de s’en offrir de temps à autre. Ainsi éviscéré, le secteur pour lequel une stratégie de développement, dit-on, a été imaginée pour améliorer l’apport en protéines animales aux consommateurs marocains, s’avère un fiasco.
Cette réalité, pour amère qu’elle soit, n’est certainement pas loin de la portée de perception de la patronne du secteur qui, assure-t-on, fait la pluie et le beau temps dans le secteur depuis des lustres déjà. Zakia Driouche, affublée par erreur du titre honorifique de « Dame sardine » par les acteurs privés, ces transformateurs de poisson qui ont durement bataillé ici et ailleurs pour faire honneur à la pilchardus valbum, dispose de chiffres révélateurs : le ratio défaillant de la consommation des produits de la mer per capita, largement en-deçà des normes minimales internationalement acceptées.
Une chose est vraie, en tout cas, au regard des questions soulevées par les acteurs du PJD qui, il faut avoir l’humilité de le reconnaitre, assument leur rôle de force d’opposition et assurent : ils bataillent d’arrache-pied dans un terrain miné pour faire entendre aux Marocains ce pourquoi ils les ont mandatés, de manière directe ou non.
Reconnaissants, les pauvres de ce pays, chiffrés à hauteur de près de 27 millions d’âmes à la lumière de la pandiscopie covidienne, n’ignorent pas les voix qui s’égosillent, depuis la tribune parlementaire, pour faire procès à une gestion gouvernementale chaotique. Comme celle qui a privé les Marocains de faire bonbon lors de l’Aid El Kébir. Le gouvernement a décidé de sacrifier l’unique occasion qu’ont les Marocains de goûter aux bienfaits du méchoui et de faire le plein de cholestérol, celui d’origine ovine serait bon pour la santé, en assurant à une camarilla de « chevillards » reconvertis sur le tard les deniers publics pour noyer le marché national en carcasses importées.
Une affaire qui, contrairement à celle du contrat de fourniture de l’eau de mer dessalée à Casablanca, n’aura pas bénéficié de l’assentiment des composantes de la majorité, tellement le scandale est criard ! Car ne voilà-t-il pas que le chef du gouvernement, propulsé par miracle leader du RNI, a choisi d’engraisser les siens, une escouade d’agioteurs qui meublent sa tribu politique, en ouvrant grandes les vannes des subventions à l’importation de bétail. Une affaire de milliards de Dh évaporés, comme l’est le chimérique fumet d’un bon barbecue.
L’Exécutif jette à son corps défendant les braises dans le foyer de la contestation en s’imaginant que les Marocains, invertébrés par une politique sociale qui s’apparente plus à de l’ingénierie qu’à autre chose, seraient dans l’incapacité de faire bouger les lignes et encore moins les urnes. De l’illusoire ! On comprend dès lors les raisons de la colère des marins du pays, et ils sont des milliers à s’engoncer dans les combinaisons imperméables pour faire face à la mer et aux éléments, privés cette année d’une période de repos biologique qui ne dit pas son nom.
Le repli de la flotte vers les ports d’attache ne sera pas de rigueur. La fête du sacrifice a été annulée. Et ce n’est certainement pas avec leurs émoluments que leurs familles arriveront à joindre les deux bouts, quand bien même le gouvernement s’acharne à rassurer les plus vulnérables d’entre nous des bienfaits de la régulation du marché, celui des viandes rouges compris. Ryad Mezzour, ministre istiqlalien qui a surfé sur la vague de l’indignation, affichée sur antenne par son chef et mentor Nizar Baraka, a tenu à rassurer de la réduction significative de la marge bénéficiaire sur les viandes rouges, qui est passée de 80 dirhams à 20 dirhams le kilo. Les ménagères, elles, savent qu’elles ne peuvent pas nourrir les leurs que de déclarations et autres incantations. Autant dire que le gouvernement revient de loin pour exprimer sa solidarité. Même de façade. Histoire de mieux cacher sous le tapis la poussière soulevée par les scandales qui succèdent sous les oripeaux de la mandature d’un Aziz Akhannouch plus affairiste que jamais. Et vogue la galère !