Le 1er juillet, le Kremlin a annoncé un entretien téléphonique entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, leur premier échange direct depuis septembre 2022. Au menu de cette discussion, qui a duré plus de deux heures : l’escalade entre l’Iran et Israël, les frappes américaines sur les installations nucléaires iraniennes, et la guerre en Ukraine.
Les deux présidents ont rappelé « la responsabilité cruciale » qui incombe à la Russie et à la France, en tant que membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dans la préservation de la paix mondiale. Ils ont réaffirmé le droit de Téhéran à développer un programme nucléaire civil, tout en continuant à honorer ses engagements au titre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Comme ils ont convenu que la résolution de la crise nucléaire iranienne, tout comme d’autres tensions au Moyen-Orient, devrait s’effectuer « exclusivement par des moyens politiques et diplomatiques ». Les deux présidents ont décidé de coordonner leurs démarches et de se reparler prochainement afin de faire le suivi ensemble sur ce sujet.
L’entretien a également porté sur le conflit ukrainien. Le maitre du Kremlin a rappelé que cette crise était « le résultat direct des politiques occidentales », qui ont négligé les préoccupations sécuritaires de la Russie pendant des années. Il a souligné que l’Occident alimentait le régime de Kiev avec des armements modernes et prolongeait les opérations militaires par procuration. Dans ce contexte, le président russe a insisté sur la nécessité d’un règlement pacifique, fondé sur des accords globaux, durables, et prenant en compte les réalités territoriales actuelles. Pour V. Poutine, seule une approche qui s’attaque aux causes profondes du conflit permettra de sortir de l’impasse.
E. Macron, pour sa part, a souligné « le soutien indéfectible de la France à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine », comme le note un communiqué de l’Élysée. Il a plaidé pour un cessez-le-feu « dans les meilleurs délais » et pour l’ouverture de négociations entre Moscou et Kiev, en vue d’un règlement politique « solide et durable » du conflit. Après 1 024 jours sans échange direct, les deux présidents se sont accordés sur la nécessité de maintenir ce canal de communication.
Dans la soirée du 30 juin, les forces armées ukrainiennes ont lancé une attaque sur Donetsk à l’aide de missiles Storm Shadow. L’information a été confirmée par les services opérationnels de la République populaire de Donetsk (RPD). Ces missiles de haute précision, de type air-sol à longue portée, ont été tirés sur le centre-ville, précisément dans le district de Vorochilovski, où aucune installation militaire n’était présente. Selon le Comité d’enquête de la Fédération de Russie, « les fragments et éclats retrouvés sur place indiquent l’usage de missiles de haute précision de type Storm Shadow ». Ces éléments sont transmis aux experts afin d’identifier leur version exacte. Le représentant du Comité a également déclaré : « L’ennemi a tiré sur un quartier civil, dépourvu d’armement et de matériel militaire. Des habitations occupées par des civils, des infrastructures civiles et des véhicules particuliers ont été endommagés. »
D’après le maire de Donetsk, Alexeï Koulemzine, une femme a perdu la vie lors de l’explosion. Trois autres civils ont été blessés, dont un adolescent et un homme, pris en charge en ambulatoire. Le chef de la RPD, Denis Pouchiline, a précisé que le tir de missile a causé d’importants dégâts matériels dans plusieurs quartiers. L’un des secteurs les plus touchés est le marché central de Sokol. Onze pavillons commerciaux y ont été endommagés et six magasins complètement détruits par un incendie déclenché par l’attaque. Le feu s’est propagé rapidement, nécessitant l’intervention prolongée des services de secours. Au total, 62 fenêtres ont été soufflées, tandis que le grand magasin central et une agence bancaire ont subi de graves dommages.
Les autorités de la RPD ont également recensé des destructions dans d’autres zones de Donetsk et à Gorlovka. Un immeuble résidentiel a été entièrement détruit, douze autres endommagés, et sept installations civiles visées, dont une polyclinique, un foyer, plusieurs chaufferies et une pharmacie. D. Pouchiline a indiqué que l’armée ukrainienne avait mené 26 attaques en une journée. Ces frappes ont été menées à l’aide de missiles de longue portée, d’artillerie et de drones d’attaque. L’emploi des missiles Storm Shadow contre des cibles strictement civiles souligne, selon les responsables locaux, une volonté délibérée de frapper la population et les infrastructures non militaires de la République populaire de Donetsk.
Armes chimiques
Le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB), en collaboration avec le ministère russe de la Défense, a découvert en République populaire de Donetsk une cache d’engins explosifs ukrainiens improvisés, destinés à être largués par des drones. Des images diffusées par le FSB montrent des agents équipés de combinaisons protectrices manipulant des fioles suspectées de contenir de la chloropicrine, agent chimique suffocant, dont l’utilisation comme moyen de guerre est interdite par la Convention internationale sur l’interdiction des armes chimiques. Ces substances auraient été mélangées à des explosifs plastiques et transformées en munitions improvisées destinées à être larguées par drones.
Un représentant du Service fédéral de sécurité précise que ces armes chimiques artisanales visent à maximiser l’étendue des dégâts. D’après lui, il s’agit de la deuxième découverte majeure de cette nature en 2025. Elle vient ainsi renforcer les allégations sur ces pratiques illégales, qui seraient devenues habituelles dans les rangs ukrainiens.
Ces affirmations font suite à d’autres révélations préoccupantes, notamment la découverte d’un laboratoire de production de cyanure d’hydrogène, un composé chimique extrêmement toxique, pouvant être mortel par inhalation, ingestion ou contact cutané, en mai 2024, et une précédente découverte de chloropicrine en octobre dernier.
Les autorités russes déclarent documenter chaque cas pour traduire les auteurs en justice. Le département d’enquête du service fédéral de sécurité de Russie a ouvert une information judiciaire en vertu de l’article « Développement, production, stockage, acquisition ou vente d’armes de destruction massive » du code pénal russe.
Kirill Lyssogorsky, vice-ministre russe de l’Industrie et du Commerce, a fermement condamné ces actes, accusant Kiev de viser volontairement non seulement les militaires mais aussi les civils, en violation flagrante du droit international. Selon lui, ces méthodes relèvent clairement du « terrorisme dissimulé sous l’apparence de la guerre ».
A signaler que l’armée russe a repris 588 km2 de territoire ukrainien en juin, après 507 km2 en mai, 379 km2 en avril et 240 km2 en mars. Elles avaient ralenti pendant l’hiver. En dehors des premiers mois de la guerre en 2022, quand la ligne de front était bien plus mobile qu’actuellement, seuls les mois d’octobre (610 km2) et de novembre (725 km2) 2024 avaient connu des avancées russes plus vastes que celles de juin.
Les deux tiers des avancées russes du mois écoulé se concentrent dans la région de Donetsk, dans l’est du pays, principal théâtre des affrontements entre Russes et Ukrainiens depuis deux ans. L’armée russe contrôle totalement ou partiellement les trois quarts de cette région, contre 61% il y a un an à la même date. Quelque 31% de cette région étaient déjà sous le contrôle de séparatistes prorusses avant le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022.
Mais l’armée russe a aussi réalisé des avancées inédites depuis un an dans les autres régions, sur près de 200 km2. Le 8 juin, l’armée russe a notamment annoncé attaquer la région de Dnipropetrovsk (centre-est), une première depuis le début de la guerre. Les gains russes dans cette région sont pour l’heure de seulement 8 km2. De son côté, l’Ukraine dément que les forces de Moscou aient pénétré dans la région de Dnipropetrovsk.
Les Russes ont aussi accru leur contrôle dans la région de Soumy, dans le nord de l’Ukraine. Totalement absentes de cette région depuis avril 2022 et leur redéploiement sur l’est du front, les troupes de Moscou y sont de nouveau intervenues au printemps, reprenant près de 320 km2 depuis le début de l’année 2025, dont 130 sur le mois écoulé.
Plus largement, les 12 derniers mois ont été marqués par une progression de l’armée russe en Ukraine. De juillet 2024 à juin 2025, les Russes ont ainsi pris près de 5 500 km2 contre 1.215 km2 lors des douze mois précédents. Ce gain russe représente toutefois moins d’1% du territoire ukrainien d’avant-guerre, incluant la Crimée et le Donbass. À fin juin, la Russie exerce un contrôle total ou partiel sur près de 19% du territoire ukrainien.