« Nous naviguons en eaux troubles », a déclaré lundi à la presse Alvaro Santos Pereira, économiste en chef de l’OCDE, résumant ainsi l’état préoccupant de l’économie mondiale. Entre la fragmentation du commerce international et les tensions inflationnistes qu’elle pourrait aggraver, la croissance s’annonce fragile dans les mois à venir. Si l’activité économique mondiale a fait preuve de « résilience » en 2024, avec une progression de 3,2 % du produit intérieur brut (PIB), l’OCDE revoit à la baisse ses prévisions pour 2025, anticipant désormais une croissance de 3,1 %, contre 3,3 % dans ses estimations de décembre.
L’OCDE prévoit dans son rapport que ce sont surtout le Canada et le Mexique qui ont le plus à perdre et risquent de basculer en récession. « La croissance des États-Unis, du Mexique et du Canada devrait ralentir selon les projections à mesure que les relèvements de droits de douane vont entrer en vigueur », précise le document. Lequel note aussi que les échanges commerciaux ont été particulièrement dynamiques au premier trimestre 2025, mais une tendance en trompe-l’œil : anticipant les difficultés à venir, les entreprises ont fait des stocks. Tout cela devrait pousser les prix à la hausse, déplore l’OCDE, alors que l’inflation reste une épée de Damoclès pour de nombreux pays.
La prospective est un métier qui se pratique toujours au conditionnel, mais c’est particulièrement vrai cette année. L‘Organisation précise que ses données sont établies « en partant du principe que les États-Unis imposeraient effectivement de nouveaux droits de douanes sur les marchandises importées du Mexique et du Canada » le 2 avril.
Ce ralentissement économique aura un coût direct pour les ménages US. L’OCDE estime que l’impact des hausses de droits de douane pourrait représenter jusqu’à 1 600 dollars par foyer, un surcoût qui ne serait pas compensé par des baisses d’impôts, contrairement aux promesses de Donald Trump. S’il devait finalement y renoncer, « la croissance serait plus forte et l’inflation moins forte dans les trois pays », assurent les auteurs.
Au-delà de l’Amérique du Nord, la montée du protectionnisme pourrait avoir des répercussions mondiales, notamment en Europe et en Chine. La multiplication des barrières douanières risque d’aggraver l’inflation. « L’augmentation des coûts des échanges devrait se répercuter progressivement sur les prix des produits finaux », avertit l’OCDE, ce qui contraindrait les banques centrales à maintenir une politique monétaire restrictive plus longtemps que prévu. Aux États-Unis, l’inflation devrait ainsi atteindre 2,8 % en 2025, soit 0,7 point de plus que prévu initialement, après 2,5 % en 2024. Cette pression sur les prix pourrait également accentuer l’instabilité financière. « Une résurgence de l’inflation ou de mauvaises surprises pour la croissance économique pourraient entraîner des corrections de prix rapides sur les marchés financiers et une nouvelle hausse de la volatilité », met en garde l’OCDE.
L’Europe, bien que moins directement touchée par les mesures douanières américaines, subit néanmoins un climat d’incertitude géopolitique et économique qui freine son activité. L’Allemagne et la France voient ainsi leurs prévisions de croissance révisées à la baisse, tandis que l’Espagne semble mieux résister.
La Chine affiche, elle, une croissance attendue de 4,8 % en 2025, quasi stable par rapport aux précédentes estimations (+0,1 point). L’impact des droits de douane US y est compensé par des mesures de soutien renforcées.