Des responsables militaires espagnols, sous couvert d’anonymat, ont confié à ABC qu’il existe une « inquiétude quant à l’absence de réaction face aux actions marocaines d’influence et de collecte d’informations en matière de défense, ce qui suscite de profondes préoccupations ».

La création de ce groupe ne fait cependant pas l’unanimité au sein des forces armées espagnoles. En effet, l’amiral a pris cette décision sans consulter au préalable Pedro Sanchez, chef du gouvernement, ce qui a conduit certains militaires à qualifier cette initiative d’« erreur », précise ABC. Le Département de la Sécurité Nationale, directement rattaché au Premier ministre, dispose déjà d’un groupe de travail consacré au Maroc, mais ses activités seraient actuellement gelées « en raison d’une décision politique », souligne-t-on.  

Pour rappel, le chef du Département de la Sécurité Nationale, le général Loreto Gutiérrez Hurtado, avait déclaré que « le Maroc ne représente pas une menace pour l’Espagne ». « Actuellement, dans notre stratégie de sécurité nationale, la menace marocaine n’est pas mentionnée. Nous avons des groupes de travail sur Ceuta et Melilla, au même titre que toutes les autres communautés autonomes, car c’est notre travail de défendre notre État et pour l’instant il n’y a rien de spécifique à ce sujet », avait-il affirmé dans un article  d’El Faro de Ceuta le 1er juillet 2024.

L’amiral López Calderón partageait également ce point de vue… en novembre 2021. « Le Maroc ne constitue pas une menace pour Ceuta et Melilla », avait-il assuré lors d’une conférence sur la sécurité en réponse à une question d’un député de Vox. Depuis, P. Sanchez a annoncé en mars 2022 son soutien au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, le qualifiant de « seule solution pour le règlement » de ce dossier.

La création de ce groupe par le chef des armées intervient trois mois après l’investiture de Donald Trump en tant que président des États-Unis. Ce retour inquiète les milieux de la droite espagnole, qui craignent que le locataire de la Maison-Blanche ne soutienne les revendications marocaines sur les enclaves de Sebta et Melilla ou qu’il ne transfère vers le Maroc les militaires et navires de guerre américains, présents depuis 1953 à la base navale de Rota. En outre, le commandement de l’armée espagnole n’a pas apprécié que le gouvernement de P. Sanchez l’invite à célébrer discrètement le débarquement d’Al Hoceima de 1925.  

D’après le Financial Times, l’administration US examine la possibilité de relocaliser certaines unités navales stationnées en Espagne, notamment à Rota, vers le Maroc, en raison d’un climat politique jugé plus stable et d’une coopération militaire renforcée avec Rabat.

Cette option, encore à l’étude, s’inscrit dans une dynamique de redéploiement que D. Trump avait amorcée dès son premier mandat. À l’époque, il avait exprimé des réserves sur le coût des engagements militaires à l’étranger et sur la fiabilité de certains alliés européens.

Le choix du Maroc comme alternative potentielle repose sur plusieurs éléments objectifs. Depuis plusieurs années, Rabat entretient une relation étroite avec les États-Unis en matière de défense. En octobre 2020, les deux pays ont signé une feuille de route décennale dans le domaine de la coopération militaire, couvrant la formation, le renseignement, l’industrie de défense et la conduite d’exercices conjoints.

Le Maroc accueille chaque année les manœuvres African Lion, considérées comme les plus vastes opérations militaires conduites par les États-Unis sur le continent africain. Ce partenariat a permis de renforcer la capacité d’interopérabilité entre les deux armées et de positionner le Royaume comme un pôle de stabilité en Afrique du Nord et dans le Sahel.

Selon le Financial Times, les responsables américains voient dans le Maroc un pays disposé à accueillir davantage de forces US de manière pérenne, contrairement à certains alliés européens dont les relations avec Washington ont parfois été tendues. Cette stabilité politique et diplomatique est perçue comme un atout de taille dans l’évaluation stratégique en cours.

La perspective d’un transfert partiel ou total de capacités américaines de Rota vers le Maroc suscite une vigilance accrue en Espagne. Madrid considère cette base comme un point central dans son dispositif de coopération avec les États-Unis, notamment au sein de l’OTAN. Elle accueille actuellement quatre destroyers américains dotés de capacités antimissiles, intégrés au bouclier de défense de l’alliance atlantique. En cas de redéploiement, le rôle de l’Espagne dans l’architecture de défense régionale pourrait s’en trouver réduit. Le Financial Times relève que Washington n’a encore pris aucune décision définitive, mais que la question est désormais posée en des termes concrets au sein de l’appareil de sécurité nationale.

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