Des négociations secrètes, sous l’égide de Pékin, ont permis en avril dernier, à la surprise générale, de réconcilier les ennemis régionaux Saoudiens et Iraniens. Alors, on prend les mêmes méthodes, et on recommence. « La diplomatie des coulisses, c’est la marque de fabrique des Chinois », explique Marco Van der Putten Landau, spécialiste israélien. Ce fin connaisseur de l’Empire du Milieu rappelle que « Pékin, soutient la cause palestinienne. Comme le reste de la communauté internationale, la Chine est aussi favorable à la solution à deux États ».

Mais contrairement au dossier irano-saoudien, où la Chine, deuxième puissance économique mondiale, dispose de leviers à travers ses investissements, Pékin n’a pas vraiment de marge de manœuvre pour jouer au pacificateur avec les Palestiniens, et avec l’inflexible Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.  Car l’aide chinoise aux Palestiniens est très modeste. « Et en Israël, les Chinois contrôlent uniquement deux terminaux portuaires. Mais rien de très stratégique », affirme le spécialiste. « Toutes les technologies à double usage civil et militaire sont la chasse gardée des Américains. Washington s’oppose farouchement à la présence de la Chine en Israël ».

« Pas de problème, les Chinois ont la culture de la patience », ajoute le spécialiste. « Et à travers leur initiative de développement mondial, lancée en 2021, [pour s’opposer à l’hégémonie occidentale] ils pourraient explorer de nouveaux chemins vers la paix au Moyen-Orient », conclut M. Van der Putten Landau.

Ce n’est pas la première fois que la diplomatie chinoise s’immisce dans l’épineux conflit israélo-palestinien. Alors que les affrontements se sont multipliés entre l’armée israélienne et le mouvement islamiste gazaoui du Jihad islamique entre les 9 et 11 mai, une réunion d’urgence au Conseil de sécurité de l’ONU a été demandée par l’intermédiaire des diplomaties chinoise, émiratie et française. Dans le sillage du réchauffement entre Téhéran et Riyad, Qin Gang, chef de la diplomatie chinoise, a appelé le 17 avril ses homologues israélien et palestinien, Eli Cohen et Riad Malki. « La Chine est préoccupée par les tensions actuelles entre la Palestine et Israël. La tâche urgente à accomplir est de gérer la situation pour empêcher les conflits de s’aggraver ou même de devenir incontrôlables », a alors insisté le ministre chinois des Affaires étrangères. La Chine a par ailleurs rappelé l’importance de la reprise des pourparlers de paix et de la mise en œuvre d’une « solution à deux États ».

Dans un contexte de tensions croissantes à Al-Qods, Pékin a également soutenu le 3 janvier dernier l’initiative des Émirats arabes unis de convoquer le Conseil de sécurité de l’ONU sur le statut de l’esplanade des Mosquées.

Pékin a déjà proposé de servir de médiateur entre Israël et la Palestine dans le passé. Au cours des affrontements entre Gaza et Israël en mai 2021 induits par les tensions à Al-Qods, Pékin a présenté une proposition de paix en quatre points (cessez-le-feu immédiat ; aide humanitaire d’urgence ; obligation d’un soutien international ; retour aux pourparlers de paix avec une solution à deux États).

Pourtant, au début des années 1950, sous l’impulsion de son ministre des Affaires étrangères Zhou Enlai, la diplomatie chinoise avait pris fait et cause pour le non-alignement et les mouvements de libération nationale, dont l’OLP de Yasser Arafat. Le grand timonier reprit même à son compte le narratif arabe sur Israël. Lors d’un discours en 1965, il déclara qu’« Israël et Taïwan sont des bases opérationnelles de l’impérialisme en Asie. Ils ont créé Israël contre les Arabes et Taïwan contre nous.»

D’après la revue scientifique Politique étrangère, jusqu’en 1973, la Chine fut la seule grande puissance à armer les Palestiniens. A la mort de Mao en 1976, la diplomatie chinoise délaissa petit à petit son idéologie révolutionnaire et commença à s’ouvrir à d’autres pays, notamment Israël. Avant le rétablissement des relations bilatérales en 1992, les deux pays nouèrent des relations officieuses sur des questions industrielles et militaires. Washington s’inquiéta alors du rapprochement sino-israélien, d’autant plus que l’Etat hébreu entendait vendre à Pékin des armes américaines. Ventes qui n’eurent finalement pas lieu en raison des pressions de la Maison Blanche.  Toujours est-il que depuis l’entrée de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, les échanges n’ont eu de cesse d’augmenter, passant de 50 millions de dollars à plus de 17 milliards en 2022. Selon les chiffres de la direction générale du Trésor, Pékin est le premier fournisseur d’Israël avec 12,2%, devant les États-Unis 9,9%.

La Chine s’intéresse notamment aux nombreux projets d’infrastructures en Israël et à l’expertise dans le domaine de la tech.  Contrairement à Washington, Pékin a une approche du conflit apartisane. Mais compte tenu des innombrables points d’achoppement entre Israéliens et Palestiniens, la Chine devra être patiente pour obtenir des résultats.

A rappeler que le déplacement chinois du chef de l’Autorité palestinienne intervient à l’heure où des affrontements entre Palestiniens et soldats de l’occupation israélienne relèvent de la routine quotidienne en Cisjordanie, là où la colonisation israélienne se fait à un rythme effrené. Mardi 13 juin, une incursion israélienne dans le camp de Ballata au nord de Naplouse s’est transformée en échec. Alors que dans la région de Jénine, 4 soldats ont été blessés dans ce qui semble être une opération double.

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