Tenue dans un climat de forte inquiétude, ladite réunion a été consacrée à l’examen des répercussions des récentes déclarations d’Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, traduites en mesures législatives restrictives visant à limiter l’accès des organisations de la société civile à la justice pour dénoncer les crimes de corruption et de détournement de fonds publics. Un droit pourtant garanti par la Constitution marocaine et les conventions internationales engageant le Royaume, a rappelé le Bureau national de l’AMPDP.
La forte inquiétude de l’ONG est légitimée par l’adoption par le gouvernement du projet de loi portant Code de procédure pénale, dont les articles 3 et 7 introduisent des limitations considérables aux prérogatives des associations de la société civile. L’article 3 stipule que seules les autorités judiciaires, sur la base de rapports émanant des instances officielles, peuvent engager des poursuites pour des crimes liés aux deniers publics. De plus, l’article 7 impose une condition supplémentaire, obligeant les associations à obtenir une autorisation du ministre de la Justice pour pouvoir se constituer partie civile, en se basant sur des critères qui seront fixés par un texte réglementaire à venir.
Face à cette situation, l’AMPDP a exprimé sa stupéfaction et sa colère face à ce qu’elle considère comme « une volonté manifeste de régression sur les plans des droits, de la loi et de la Constitution« . Pour l’association, « ces nouvelles dispositions législatives constituent un recul dangereux pouvant compromettre les avancées réalisées ces dernières années en matière de droits humains et de liberté d’action associative ». Voilà pourquoi elle condamne fermement ce qu’elle perçoit comme une « attaque directe contre les associations civiles, cherchant à les museler dans leur rôle de défenseurs des deniers publics ». Et dénonce particulièrement « l’exploitation du Parlement pour faire passer des lois » qu’il qualifie de « régressives et anticonstitutionnelles », lesquelles « visent à protéger les corrompus et à entraver la reddition de comptes ».
Plus, l’association affirme que « l’exclusivité » pour le Procureur général dans l’ouverture des enquêtes, tel que proposé dans l’article 3, constitue « une ingérence flagrante de l’exécutif dans le pouvoir judiciaire ». Et considère cette mesure comme « une volonté délibérée de restreindre les libertés fondamentales et d’étouffer la voix des associations de défense des droits humains ».
L’AMPDP exprime également son indignation face à la répression croissante des voix critiques, notamment celle des journalistes. Le cas le plus récent étant celui de Hamid El Mahdaoui, poursuivi par le parquet de Rabat sous les dispositions du Code pénal au lieu du Code de la presse, action qualifiée « d’aberrante » par l’association. Et rappelle, chemin faisant, que « la lutte contre la corruption, le népotisme, la rente et le détournement de fonds publics est une affaire publique qui concerne tant la société que l’État. Toute tentative de limiter l’implication de la société civile dans ce domaine, selon elle, va à l’encontre de la loi n° 10-37 relative à la protection des lanceurs d’alerte, et est en contradiction flagrante avec la Constitution ainsi qu’avec la Convention des Nations Unies contre la corruption, à laquelle le Maroc est signataire ».
En réponse à cette situation préoccupante, l’AMPDP a décidé de prendre des mesures concrètes. Elle annonce l’ouverture de consultations avec d’autres organisations démocratiques, des droits humains et des acteurs de la société civile pour réfléchir à la formation d’une structure unissant diverses forces pour lutter contre la corruption. Ce front commun serait destiné à renforcer la résistance contre les tentatives de restriction des libertés et des droits associatifs.
De plus, l’association prévoit une manifestation nationale devant le Parlement, prévue pour le samedi 21 septembre 2024 à 17h, sous le slogan « Non à la restriction de la société civile, non à la corruption et au détournement des deniers publics ». Elle appelle toutes les organisations politiques démocratiques, des droits humains, syndicales, associatives, ainsi que tous les citoyens, à se joindre massivement à cette mobilisation contre ce qu’elle considère comme une politique de musellement.