« Bien que la Constitution (article 143) confère aux régions une prééminence par rapport aux autres collectivités territoriales en matière d’élaboration et de suivi des Programmes de Développement Régionaux (PDR) et des Schémas Régionaux d’Aménagement des Territoires (SRAT), tout en respectant les compétences propres de chaque collectivité territoriale, le développement économique régional demeure confronté à des défis majeurs, exacerbant les disparités interrégionales », fait savoir O. Benida. D’après lui, une réflexion s’impose, notamment sur les critères retenus pour délimiter les fortes disparités entre les régions et aux écarts persistants de développement. Ces choix influencent directement leur capacité à générer une croissance économique durable et équilibrée.

La thèse se concentre ainsi sur l’identification des variables démographiques, économiques et environnementales qui devraient, selon une approche rationnelle, présider au découpage régional. L’objectif étant de définir une taille économique optimale minimale d’une région, pour garantir des conditions favorables à une croissance territoriale équilibrée.

Pour ce faire, le docteur en agro-économie a utilisé un modèle d’apprentissage profond, le « Multi-Layer Perceptron (MLP) » pour prédire la composition idéale d’une région à travers trois dimensions, notamment la population, les ressources naturelles et l’activité économique. Ce modèle, inédit dans ce contexte, s’appuie sur 20 variables collectées au niveau régional entre 2012 et 2020. Parmi elles, huit ont été identifiées comme particulièrement déterminantes, notamment la population urbaine et rurale, les dépenses d’investissement, la valeur ajoutée des secteurs agricole, industriel, BTP, tourisme, et le nombre d’entreprises.

D’après le modèle, le découpage actuel en 12 régions ne permet pas d’atteindre une taille économique minimale optimale. L’étude révèle qu’une configuration en 9 régions favoriserait un meilleur équilibre des ressources et une contribution plus homogène des régions au PIB national. Ce constat repose sur une simulation dite « sans contrainte », dans laquelle toutes les régions convergent vers la moyenne du PIB national. A partir de cette hypothèse, le modèle calcule une combinaison optimale des variables économiques, humaines et environnementales.

Par ailleurs, les tests économétriques (estimation de beta-convergence et sigma-convergence) montrent que si une certaine convergence conditionnelle existe (chaque région tendant vers son propre niveau de développement), la convergence réelle, c’est-à-dire la réduction des écarts entre régions, n’est pas au rendez-vous. Par conséquent, le découpage actuel ne contribue pas à réduire les disparités interrégionales, bien au contraire.

Ce diagnostic s’aligne d’ailleurs avec les préoccupations du Nouveau Modèle de Développement (NMD), qui vise une croissance de 6% d’ici 2035. La thèse met en garde le fait que sans révision structurelle du découpage régional, les déséquilibres actuels risquent de s’accentuer, et le NMD ne pourra atteindre ses objectifs dans une dynamique aussi polarisée.

Il convient de préciser que la force de cette recherche réside aussi dans son approche intégrative. D’un côté, les réalités démographiques, comprenant la répartition urbaine/rurale, les zones à forte densité et les régions enclavées. De l’autre, l’environnement naturel, notamment l’accès à l’eau, au littoral, ainsi que le potentiel agricole ou forestier. Enfin, l’économie, incluant investissements, structures productives et tissu entrepreneurial.

La thèse rappelle que certains territoires, comme la région de Drâa-Tafilalet, cumulent les handicaps, avec peu de ressources en eau, pas d’accès à la mer, et une faible densité industrielle. Pourtant, ils sont traités à égalité budgétaire avec des régions comme Casablanca-Settat. Une approche qui appelle une réforme courageuse, intégrant des mécanismes de compensation pour les services écosystémiques entre régions.

De ce fait, la thèse propose un cadre analytique robuste et réplicable, capable de guider la future réforme du découpage régional, de manière scientifique et pragmatique. Elle ouvre aussi la voie à des recherches plus poussées, notamment au niveau des villes ou des territoires infrarégionaux.

Comments are closed.

Exit mobile version