A Genève, la mise en examen de l’expérience marocaine en terme de justice transitionnelle permet également de situer le Maroc par rapport aux normes internationales en matière de droits humains et de renforcer sa coopération avec les instances internationales. Ainsi, cet examen s’inscrit dans une démarche globale visant à tourner la page des « années de plomb » et à consolider un État de droit respectueux des droits humains, en harmonie avec les engagements internationaux dûment signés par le Maroc. A signaler que lors de la vingt-septième session du Comité des disparitions forcées, tenue à Genève du 23 septembre au 4 octobre 2024, un rapport initial sur la mise en œuvre de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été présenté par le délégation marocaine dirigée par Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice. Il s’agissait d’énoncer les progrès réalisés par le Royaume, mais aussi les défis persistants.

Le Comité a salué l’engagement du Maroc, qualifiant le dialogue avec la délégation marocaine de «constructif». Parmi les avancées notables, la ratification de plusieurs instruments internationaux et la mise en place d’institutions clés telles que la Délégation interministérielle aux droits de l’Homme et l’Instance Équité et Réconciliation (IER). Autant d’efforts qui témoignent de la volonté de Rabat de renforcer la protection des droits humains et de réparer les torts du passé. Toutefois, l’examen a également mis en lumière des domaines nécessitant une attention particulière. D’autant plus que plusieurs domaines restent en deçà des attentes du Comité.

Ainsi, en matière de cadre législatif et institutionnel, le pays est encouragé à reconnaître la compétence du Comité pour examiner les communications individuelles. L’intégration complète de la Convention dans le système juridique national reste un objectif clé. Pour ce qui est de l’incrimination des disparitions forcées, un expert du Comité a souligné lors de l’examen du rapport initial du Maroc  « l’absence d’infraction spécifique de disparition forcée dans le Code pénal marocain demeure une préoccupation majeure. » Mesure essentielle a même de donner toute son ampleur à l’engagement du Maroc dans la lutte contre cette pratique. Sur le chapitre de la justice transitionnelle, on relève que si l’IER a joué un rôle important en matière de reconnaissance des violations passées, certaines de ses recommandations demeurent lettre morte. De plus, des responsables présumés échappent encore à la justice, un point sur lequel le Comité a insisté pour des actions concrètes. En matière de coopération judiciaire, le Comité a appelé à renforcer la compétence extraterritoriale du Maroc et à clarifier les délais de prescription pour rendre plus effective la lutte contre les disparitions forcées. Et last but not least, dans le domaine de la prévention et protection des victimes, on signale que le système de réparation des victimes demeure incomplet. D’où l’insistance du Comité sur la nécessité de garantir le droit à la vérité, ainsi que l’enregistrement rigoureux des détentions et l’interdiction des expulsions à risque. Des efforts accrus sont également nécessaires pour prévenir la soustraction d’enfants liée aux disparitions forcées et pour améliorer les bases de données génétiques.

Le Comité a exhorté le Maroc à soumettre un rapport d’étape d’ici 2028, tout en diffusant largement ses observations. Il a également souligné l’importance cruciale de l’implication des associations civiles et des familles des victimes pour assurer un suivi plus efficace de la mise en œuvre de la Convention.

L’impunité épinglée

Bien que les progrès réalisés soient indéniables, le Comité a souligné que des lacunes importantes demeurent. Il a appelé le Maroc à renforcer son cadre juridique, à intensifier ses efforts pour réparer les torts subis par les victimes et à lutter contre l’impunité, en particulier pour les disparitions forcées passées et actuelles. Le chemin reste semé d’embûches, mais le dialogue reste ouvert, offrant des perspectives pour construire un cadre plus solide et respectueux des droits humains.

Le Maroc a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en 2011, marquant ainsi son engagement à éradiquer cette pratique. De même, l’IER, créée en 2004, a joué un rôle essentiel dans la reconnaissance des violations passées et la mise en place de mécanismes de réparation. Cependant, comme le Comité l’a souligné, la mise en œuvre de certaines recommandations de cette instance reste inachevée.

La tenue du Congrès mondial sur les disparitions forcées, prévu en janvier 2025 à Genève, pourrait offrir une nouvelle plateforme pour renforcer la coopération internationale et partager les expériences en matière de justice transitionnelle. Ce forum serait aussi l’occasion de discuter des défis persistants et des meilleures pratiques en matière de prévention des disparitions forcées.

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