C’est Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, qui l’a annoncé en conférence de presse à l’issue du Conseil de gouvernement. « J’ai discuté personnellement avec le ministre, il y a quelques instants. Il m’a personnellement affirmé qu’il avait une position claire autour du sujet et qu’il allait l’expliquer dans les prochaines heures », a déclaré M. Baitas.
Alors que le gouvernement était attendu pour réagir à cette affaire qui secoue l’opinion publique, le porte-parole, a préféré esquiver les questions des journalistes qui demandaient des explications autant sur les déclarations tenues par le ministre de la Justice, jugées « méprisantes » envers les Marocains, que sur les résultats de l’examen.
Le concours qui a vu la participation de près de 70.000 candidats a recalé la majorité d’entre eux alors que sur les quelque 2.000 chanceux, il s’est avéré que beaucoup avaient des liens de parenté avec des élus, des avocats et autres magistrats, d’anciens ministres, ainsi que des responsables au sein du ministère de la Justice. Un directeur central qui travaille sous la coupe du ministre par qui le scandale est arrivé compte aussi parmi les candidats ayant réussi le concours. Si l’opinion publique est émoi face à une affaire qui ternit tout l’Exécutif, surtout que le scandale est aussi retentissant à l’étranger, on notera l’absence de réaction de la part des barreaux et des associations d’avocats. Plus, même le SNEsup n’a pas réagi face aux assertions sur la qualité douteuse de l’enseignement prodigué dans les facultés de droit.
Pour l’heure, le bureau central de la Ligue marocaine pour la défense des droits de l’homme a adressé une lettre au Procureur général du roi près la Cour de cassation, lui demandant d’ouvrir une enquête sur les résultats des épreuves écrites de l’examen d’aptitude à l’exercice de la profession d’avocat. Dans sa lettre, l’ONG proche de l’Istiqlal, formation qui compte dans la majorité aux affaires, a expliqué que cette saisine intervient suite à la polémique suscitée par le processus d’annonce des résultats dudit examen, les réactions après la publication de la liste des personnes admises et les déclarations ultérieures émises par le ministre de la Justice en tant que premier responsable de toutes les étapes de cet examen.
La Ligue a affirmé que « sur la base des dizaines de demandes de soutien » qu’elle a reçues d’un certain nombre de candidats non admis, elle demande au Procureur général du roi près la Cour de cassation et président du ministère public à donner ses instructions pour « enquêter sur les pressions subies par le ministre de la Justice, sur les résultats et sur les modalités d’organisation de cet examen ». L’ONG évoque aussi « les soupçons de conflit d’intérêts» soulevés par «l’apparition des noms de certains des membres du Comité supervisant l’examen ou des admis apparentés à eux » sur la liste des admis.
Des sources médiatiques ont révélé que le nom de Moulay Said Charfi, actuel Directeur de l’équipement et de la gestion du patrimoine au ministère de la Justice, figure parmi ceux des admis à passer l’examen oral, pointant un cas d’incompatibilité, car « membre du Comité supervisant les examens », par décision du ministre de la justice, qui précise le tour de table du comité, composé des directeurs de l’administration centrale du ministère.
L’intéressé a toutefois confié avoir adressé une requête au ministre de la Justice pour le dispenser de cette tâche afin qu’il puisse passer l’examen d’aptitude à l’exercice de la profession d’avocat.
Invité mardi à l’émission «Noqta Ila Satr» sur Al Aoula, A. Ouahbi a rappelé avoir « reçu des demandes de la part des candidats non admis ». « Nous allons corriger leurs copies, avec la machine, devant eux pour qu’ils constatent leurs résultats. 75 000 ont déposé des demandes pour passer l’examen, 48 000 l’ont passé et 2 000 l’ont réussi. Cela est normal qu’il y ait des réactions », a-t-il estimé.
« Ceux qui ont réussi se sentent maintenant coupables, s’interrogeant s’ils n’ont pas le droit de réussir », dénonce-t-il. « Pour les noms de familles, je ne suis pas ici pour chasser des fantômes et savoir qui est le fils de qui et dire qu’il ne doit pas être admis car son père est avocat, ministre ou autre. Je n’ai pas cette logique », tranche-t-il. Le ministre a ajouté que les résultats de l’examen « posent plus qu’une question sur les facultés de droit », défendant en même temps l’université marocaine s’agissant de ses propos sur les licences de son fils et accusant la presse d’avoir « manipulé » sa déclaration.
« Personne n’a eu la moyenne sans être admis. J’ai eu un débat avec le comité et avec les avocats, car 800 candidats seulement ont eu cette moyenne. J’ai demandé à ce que le barème soit revu. J’assume la responsabilité et ils peuvent dire et écrire ce qu’ils veulent », tranche-t-il, en affirmant « faire confiance au comité et aux résultats ». « Ce n’est pas parce que des gens écrivent sur Facebook que je dois les écouter (…) Cette affaire est réglée. Celui qui décide est le ministre de la Justice et non pas les réseaux sociaux », conclut-il. Le débat ne fait donc que commencer…