« Je ne crois pas à la malédiction du pétrole. La stratégie est de faire de cette ressource un levier pour développer les autres secteurs », a fait savoir le nouveau président du Sénégal lors de sa première conférence de presse. Cent jours après sa prise de fonction, B.D. Faye a fait part à Dakar, de sa volonté de « renégocier les contrats pétroliers et miniers déjà signés avec des partenaires par son prédécesseur, Macky Sall. » « Ma conviction est qu’on aurait pu mieux négocier parce que d’autres pays africains l’ont fait. Notre stratégie est de voir les pistes de renégociation. De ce fait, nous allons renégocier les contrats et essayer de voir comment investir sur d’autres secteurs pour leur développement et éviter la malédiction du pétrole », a-t-il déclaré devant les caméras.

Arrivé au pouvoir en avril dernier, le président de 44 ans a placé sa première rencontre avec la presse locale, le 13 juillet à Dakar, sous le signe de sa démarche de « redevabilité » à l’égard du peuple sénégalais. « Beaucoup de gens pensent qu’il est impossible de renégocier les accords sur le pétrole et le gaz, mais moi je vous affirme qu’il y aura renégociation et ce sera bénéfique pour le Sénégal », a-t-il assuré face aux journalistes. Pour le nouvel élu le défi actuel est d’identifier des « pistes de renégociation (…), renégocier les contrats et essayer de voir comment investir sur d’autres secteurs pour leur développement », a souligné B.D Faye.

Nouveau producteur d’hydrocarbures, le Sénégal a fait sortir le 10 juin dernier son premier baril de pétrole de la plateforme de Sangomar. Le Sénégal et la compagnie australienne Woodside ont entamé en juillet la commercialisation du produit brut, en particulier en Europe.

Selon les médias sénégalais, les premières productions de gaz devraient également sortir, d’ici la fin de l’année en cours, de la plateforme Grand Tortue Ahmeyim (GTA), un partenariat entre le Sénégal et la Mauritanie, situé à leur frontière maritime commune et auquel est associé le géant anglo-néerlandais British Petroleum (BP).

« Nous allons renégocier pour augmenter nos parts. Après les renégociations, vous verrez un grand changement. Nous devons croire en notre potentiel. Il y aura une renégociation et ce sera bénéfique pour le Sénégal », a promis le chef d’Etat du Sénégal. Selon le média local Ouestaf, « le principe de renégocier des contrats économiques au niveau international, est une démarche délicate ». La renégociation, « perçue comme injuste ou arbitraire », pourrait susciter un climat « défavorable aux affaires. » Concrètement, cela pourrait dissuader des investisseurs étrangers. Les risques d’arbitrage et leur durée souvent longue pourraient aussi, encore selon Ouestaf, « compliquer les efforts pour rééquilibrer en sa faveur des accords avec les compagnies pétro-gazières. Les clauses de stabilité, conçues pour protéger les investissements étrangers contre les changements législatifs ou fiscaux posent un défi majeur. »

Le président sénégalais a néanmoins soutenu que des pays frontaliers y étaient « parvenus, alors pourquoi pas nous ? », faisant référence au Mali, « qui a réussi à renégocier son code pétrolier », en louant les services d’experts sénégalais. Le jeune président a souligné : « nous aurions pu négocier ces contrats de manière plus avantageuse, comme l’ont fait d’autres pays pour obtenir le maximum de ressources dans la phase de commercialisation des hydrocarbures. »

Le chef de l’Etat sénégalais envisage, indépendamment des audits des contrats signés et des procédures d’attribution et de signature des conventions avec les compagnies d’hydrocarbures, de réformer les codes pétrolier et minier pour mieux « protéger les intérêts de son pays tout en maintenant un cadre attractif pour les investissements futurs. »

Berlin échaudé

« La Chine et la Russie en particulier réalisent de très, très gros investissements sur le continent africain », a constaté Annalena Baerbock, ministre allemande des Affaires étrangères, lors de son déplacement à Dakar le 15 juillet. Selon Deutsche Welle, la cheffe de la diplomatie allemande s’est inquiétée de l’influence grandissante de Moscou et de Pékin dans cette vaste région. « Partout où nous, en tant que démocraties, où nous, en tant qu’Europe, n’investissons pas, d’autres investissent, créant alors des dépendances qui, en cas de doute, seront utilisées contre nous, y compris contre nos intérêts en matière de sécurité », a-t-elle ainsi déclaré. Au Sénégal, A. Baerbock a insisté sur l’importance de « la démocratie » et de  «la bonne gouvernance ». « Avec les nombreux putschs dans la région et notre crainte de voir le terrorisme gagner d’autres régions, nous avons donc besoin d’amis à nos côtés », a-t-elle fait valoir. Avant de plaider : « C’est pour cela qu’il était important pour le gouvernement allemand de montrer son engagement pour la démocratie et des élections transparentes alors que la démocratie sénégalaise a fait face à des défis lors du dernier scrutin. » Le ministre des Affaires étrangères a par ailleurs déclaré que la situation au Niger, au Mali et au Burkina Faso avait des conséquences politiques et économiques. Pour A. Baerbock, les défis du Sahel sont le terrorisme, la migration, la criminalité organisée et la pauvreté. Des défis qui concernent également l’Europe, a insisté la ministre allemande. Au sujet de l’immigration illégale, elle a également été très claire. « S’il n’y a pas de perspectives pour les jeunes, alors les bandes criminelles ou même les terroristes auront plus de facilité » à les recruter, a-t-elle remarqué. C’est pourquoi il faut donner des opportunités aux jeunes d’être formés sur le continent africain, a-t-elle ajouté.

Cette visite allemande intervient moins d’une semaine après celle effectuée Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre des Affaires étrangères, le 10 juillet dernier pour renforcer les liens avec ce pays de l’Afrique de l’Ouest, avec à la clé des perspectives de coopération et des « projets communs prometteurs » dans divers domaines, notamment dans l’exploitation minière. Le 12 juillet, la Chambre de commerce et d’investissement d’Afrique, de Russie et d’Eurasie a été inaugurée le 10 juillet à Dakar.

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