Il avait été blessé par balle après que « l’armée israélienne ennemie » a ouvert le feu sur lui, alors qu’il était en « tenue civile », dans le village frontalier de Kfarchouba, avant d’être emmené en Israël, avait indiqué l’armée lundi. Mardi, le Liban avait annoncé avoir récupéré quatre détenus libanais, des civils qui avaient été arrêtés par l’armée d’occupation les mois de janvier et février derniers, après la fin des 60 jours du délai fixé au cessez-le-feu, pendant le retour des habitants dans leurs villages frontaliers.

La libération des cinq détenus libanais est « un geste envers le nouveau président libanais » Joseph Aoun, élu le 9 janvier, avait indiqué le bureau du Premier ministre israélien dans un communiqué. La décision a été prise en marge d’une réunion à Naqoura, dans le secteur occidental de la frontière, entre les représentants de l’armée israélienne et ceux du Liban ainsi que les médiateurs du cessez-le-feu, les Etats-Unis et la France, ajoute la source.

Morgan Ortagus, adjointe de l’émissaire US pour le Moyen-Orient, a précisé à la chaîne de télévision locale Al Jadeed News mardi que les détenus libérés étaient « des soldats et des civils ».

Un accord de trêve conclu le 27 novembre a mis fin à plus d’un an d’hostilités, dont deux mois de guerre ouverte mais Israël continue de mener régulièrement des frappes sur le territoire libanais. Plus de 2.000 violations aériennes et terrestres ont été répertoriées pendant ces trois derniers mois, sans que le Comité quinquennal de supervision de l’accord n’intervienne pour les faire cesser.

Paul Morcos, ministre libanais de l’Information, a annoncé que le Conseil des ministres a approuvé, jeudi, les nominations militaires et sécuritaires. Il a révélé que « le général Rodolphe Haykal a été nommé commandant de l’armée, le général Hassan Choucair directeur général de la Sûreté générale (SG), le général Raed Abdallah directeur général des Forces de sécurité intérieure (FSI) et le général Edgar Londos directeur général de la sécurité de l’État. »

Lors de la lecture des décisions du Conseil des ministres au Palais de Baabda, il a noté que « le président Joseph Aoun a expliqué lors réunion des Conseil des ministres que la délégation du Fonds monétaire international a souligné la nécessité de nommer un gouverneur pour la Banque centrale du Liban et a insisté sur la ratification de la loi sur le secret bancaire, qui nécessite des amendements supplémentaires et la restructuration des banques. »

Reconstruction

Si le dossier de la reconstruction du pays du Cèdre est sur la table, la France a décidé de charger Jean-Yves Le Drian de cette affaire après sa nomination en juin 2023 en tant qu’« envoyé personnel pour le Liban ». Le diplomate français est attendu dans le courant du mois de mars pour aborder la question avec les autorités libanaises. L’annonce de son déplacement intervient le même jour que la déclaration de Morgan Ortagus, adjointe de l’émissaire américain pour le Moyen-Orient. « Nous [les États-Unis] voulons aider l’État libanais à reconstruire le Liban-Sud. Mais cela ne signifie pas nécessairement que le Congrès mobilisera des fonds pour atteindre cet objectif ».

La mission de l’émissaire français s’inscrit dans un double objectif : accompagner la reconstruction du Liban-Sud tout en soutenant les efforts de consolidation de l’État sous l’impulsion du président de la République, Joseph Aoun, et du Premier ministre, Nawaf Salam. Paris entend ainsi affirmer son rôle et son influence sur la scène libanaise en s’imposant comme un acteur clé du chantier de la reconstruction, tout en restant aligné sur la position américaine. Dans le prolongement de la visite de l’émissaire français, Emmanuel Macron avait annoncé que la France accueillerait « dans quelques semaines » une conférence internationale destinée à assurer le financement de la reconstruction.

Selon des sources informées, cet événement devrait avoir lieu entre avril et mai. J-Y. Le Drian jouera un rôle central dans la préparation de cette conférence aux côtés d’Anne Grillo, ancien ambassadeur de France au Liban, qui occupe désormais un poste stratégique en tant que directrice Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay. Les efforts diplomatiques français visent à mobiliser les principaux bailleurs de fonds, en particulier les pétromonarchies du Golfe, avec une attention particulière portée à l’Arabie saoudite, un pays avec lequel l’émissaire français entretient des relations de longue date. Paris intensifie également les consultations avec les acteurs libanais afin d’identifier les besoins prioritaires pour la conférence. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les rencontres menées par l’ambassadeur Hervé Magro avec l’ensemble des ministres libanais, en vue de dresser un état des lieux précis des secteurs nécessitant un soutien financier international.

Normalisation ?

Américains et Israéliens œuvrent de concert pour entrainer le Liban vers la normalisation avec l’entité sioniste. Le moment est considéré propice d’autant que l’emprise américaine sur les institutions de l’Etat libanais devient plus pressante. Les récentes déclarations américaines et de plusieurs responsables israéliens évoquent ouvertement ces efforts.

D’abord, il y a eu l’annonce faite par Morgan Ortagus, l’adjointe de l’envoyé spécial américain pour le Moyen-Orient, sur « le lancement du processus diplomatique, à travers trois groupes de travail sur trois questions parallèles en suspens entre le Liban et Israël ». Celle de la délimitation des frontières terrestres, celle de la libération des détenus et celle du retrait israélien total du Liban. Or le règlement de ces trois questions ne nécessite pas de nouveaux groupes de travail et pourrait se suffire du comité quinquennal de supervision de la résolution 1701. En revanche, la création de ces groupes servirait à lancer le processus de négociations qui impliquerait des concessions de part et d’autre et dans les deux cas « le Liban tomberait dans le piège », selon le journal libanais al-Akhbar.

A rappeler que Steven Witkoff, envoyé de Donald Trump, avait fait part récemment de son « optimisme que l’Arabie saoudite puisse rejoindre les accords d’Abraham », faisant remarquer que « les évolutions politiques dans la région s’étendront vers le Liban et la Syrie. Le Liban pourrait agir prochainement pour rejoindre les accords de paix et la Syrie pourrait emprunter le même chemin ».

Côté israélien, des déclarations officielles soutiennent cette orientation. Le bureau du Premier ministre israélien a évoqué « le déroulement progressif d’un plan préconçu pour la question frontalière » entre le Liban et la Palestine occupée, précisant qu’il « fait partie d’un plan plus large entre Tel Aviv et Washington ». De même dans les médias israéliens, les experts évoquent de plus en plus ouvertement cette question.Une source politique israélienne a confié pour i24 que « la politique de Netanyahu a changé le Moyen-Orient, et nous voulons poursuivre cet élan pour parvenir à la normalisation avec le Liban ». La source (qui serait Netanyahu lui-même) a ajouté : « Tout comme le Liban a des exigences concernant les frontières, Israël a également des exigences, et nous discuterons de ces questions », notant que « les pourparlers avec le Liban font partie d’un plan large et global. »

Selon cette source, « les discussions à Naqoura (avant-hier) ont eu lieu avec des représentants de l’armée israélienne, mais il a été convenu que les prochaines discussions auraient lieu avec un représentant diplomatique israélien », ce qui constitue « une avancée diplomatique spectaculaire ». La source israélienne semble comprendre la sensibilité libanaise face à la question de la normalisation et tente d’y remédier. « Du point de vue du nouveau président libanais, il s’agit d’une question difficile à faire valoir politiquement. C’est pourquoi nous avons libéré les cinq Libanais. L’objectif est de soutenir le président face au Hezbollah et à Amal, qui s’opposent à lui, et de rechercher une normalisation avec le Liban. C’est l’ambition, et c’est pourquoi nous avons mis en place des groupes de travail et nous poursuivrons les discussions. » Même son de cloche de la part du colonel de réserve israélien Moshe El-Ad qui a déclaré lors d’une apparition dans une émission sur une chaine de télévision israélienne : « Je crois que le président Aoun veut une nouvelle phase dans les relations entre le Liban et Israël. »

Côté libanais, les responsables concernés nient catégoriquement avoir été ouvertement consultés sur la normalisation. Un démenti a été publié jeudi par le bureau du Président de la République Joseph Aoun assurant que la création des trois comités chargés de résoudre la question des zones controversées s’inscrit dans le cadre de l’accomplissement de la résolution 1701. « Ceci ne veut pas dire qu’il y aura des négociations directes entre le Liban et Israël. Les allégations selon lesquelles ces comités sont une démarche première vers un accord de paix sont erronées », peut-on lire dans le communiqué du bureau du chef de l’Etat.

Le Premier ministre Nawwaf Salam a lui aussi nié que les Américains lui ont parlé ouvertement. Mais l’ambassadrice américaine Liza Johnson n’est pas de cet avis. Selon al-Akhbar, elle a informé trois hauts-responsables dans l’Etat libanais, et deux assistants de deux références importantes que « le Liban devrait se préparer pour la prochaine phase lorsque les négociations porteront principalement sur les moyens censés garantir une solution globale et permanente avec Israël ». Ses auditeurs rapportent qu’elle ne cesse de leur répéter pendant les rencontres qui les unissent que « les informations de son pays assurent que le Hezbollah se trouve dans une situation très difficile et qu’il n’est plus capable d’avorter » ces efforts. Elle met en garde surtout contre le fait de lui permettre de prendre en charge le dossier de la reconstruction. Parmi les hommes politiques qui évoquent franchement ces pressions, le leader druze Walid Joumblatt. Il dit avoir fait l’objet de menaces pour avoir protesté à la normalisation entre les druzes du Liban et de la Syrie avec la direction spirituelle des druzes israéliens.

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