Le ministère malien de la Réconciliation, joint par RFI, n’a ni confirmé, ni démenti l’authenticité d’une lettre. Côté algérien, pas de réponse.
Si Alger se mure dans le silence, plusieurs sources diplomatiques et onusiennes confirment l’authenticité du message adressé à la médiation algérienne dénonçant des violations de l’accord de paix de 2015 par les groupes armés signataires. Les dirigeants des groupes armés signataires expliquent, quant à eux, n’avoir eu aucun échange avec la médiation algérienne sur cette lettre, pourtant datée du 24 février, découverte le 1er mars sur les réseaux sociaux. D’abord très surpris, ils affirment avoir eu confirmation de son authenticité par le gouvernement malien de transition lui-même.
Le Colonel Ismaël Wagué, ministre malien de la Réconciliation nationale, en charge dudit accord de paix, commence par rejeter les accusations des groupes armés sur le manque d’implication du gouvernement dans sa mise en œuvre. Il assure que cet accord « demeure le cadre de référence pour une paix durable au Mali » et que les groupes signataires « ont été systématiquement consultés et associés à toutes les étapes majeures de la vie de la nation », et qu’ils ont même des représentants au sein du gouvernement de transition et du Conseil national de transition (CNT).
Surtout, le ministre malien accuse les groupes armés signataires de n’avoir « cessé de violer l’accord de paix ». Il cite plus particulièrement les ex-rebelles indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qu’il accuse notamment d’avoir installé des états-majors et des postes militaires dans le Nord, d’avoir mené des actions « entravant » le fonctionnement des bataillons de l’armée reconstituée – justement créée par l’accord de paix et qui rassemble soldats de l’armée malienne et combattants des groupes armés signataires. Le Colonel les accuse également de prendre en charge la sécurisation de Kidal, leur fief, en dépit de la présence de ce bataillon de l’armée reconstituée.
Le mois dernier, une vaste opération de sécurisation du Nord a été lancée par les groupes armés signataires, toutes tendances confondues, en réponse principalement aux attaques perpétrées par le groupe État islamique. Si elle n’est pas citée, cette opération a aussi été perçue comme une démonstration de force adressée aux autorités de Bamako.
Plus grave, le Colonel Wagué dénonce « une collusion de plus en plus manifeste avec les groupes terroristes ». Aucune précision dans la lettre, mais on sait que plusieurs chefs de la CMA – mais aussi de la Plateforme, qui a toujours défendu l’unité du Mali _ ont rencontré en janvier Iyad Ag Ghaly, chef du Jnim, lié à al-Qaïda, avec qui une sorte de « pacte de non-agression » a été conclu de manière temporaire pour faire face à la menace du groupe jihadiste rival, le groupe État islamique, responsable de nombreux massacres dans le Nord depuis un an.
Au passage, le ministre malien égratigne la médiation internationale, dont l’Algérie est la cheffe de file, à qui il reproche de ne pas avoir condamné ces « cas flagrants de violations ». La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), l’Observatoire indépendant et le groupe d’experts internationaux qui accompagnent la mise en œuvre de l’accord, sont également ciblés : leur « inaction » et leur « silence » (…) « posent la question de la pertinence de ces structures », écrit également le Colonel Wagué.
Enfin, les dernières lignes de cette lettre de quatre pages sonnent comme une menace : « Le gouvernement mettra tout en œuvre, quels qu’en soient le prix et la forme », « jusqu’à l’éradication du dernier terroriste » et « la sécurisation complète du Mali ». « Le gouvernement, tout en restant attaché à la mise en œuvre intelligente de l’accord, rejettera d’office toute accusation qui serait de nature à le tenir pour responsable des éventuelles conséquences de sa violation », souligne le texte.
Cela fait plusieurs mois que, tout en martelant leur attachement à l’accord de paix, le gouvernement malien de transition et les groupes armés signataires multiplient actes et déclarations de défiance. Des appels à la reprise des combats ont été proférés par des soutiens des deux camps, personnalités politiques ou de la société civile.