La nouvelle enquête d’envergure publiée par Le Monde du 18 juillet, accompagné en cela par 16 autres médias dans un consortium, révèle qu’un logiciel espion israélien, Pegasus, a infecté des milliers de téléphones mobiles. Il a ciblé de nombreux «journalistes, des avocats, des militants et des responsables politiques de nombreux pays, dont la France».
Des victimes qui auraient été choisies «individuellement, par des gouvernements et des services de renseignement». Dans les 50 000 numéros possiblement piratés, Le Monde a repéré «un chef d’État et deux chefs de gouvernement européens ; des hommes et des femmes aux plus hauts échelons du pouvoir d’une ex-République soviétique ; des dizaines de députés de l’opposition d’un pays africain ; des princes et des princesses, des chefs d’entreprise, quelques milliardaires, des ambassadeurs, des généraux»… Des proches du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi, ainsi que «deux responsables turcs impliqués de près dans l’enquête sur le meurtre de l’éditorialiste» auraient eux aussi été ciblés par Pegasus. Ce logiciel a été créé par une société israélienne, NSO group, et plusieurs États en seraient clients.
Le Monde fait état notamment du Maroc, de la Hongrie, de l’Azerbaïdjan, du Togo, du Rwanda, du Bahreïn, du Mexique, ou encore de l’Inde. Si NSO «vend son logiciel comme un outil décisif, destiné uniquement à la lutte contre le terrorisme et le crime organisé»,le quotidien du soir précise que «pour une grande partie des clients de NSO, terrorisme et grand banditisme ne constituent qu’une infime partie des utilisations». En outre, ce serait bel et bien le ministère israélien de la Défense qui validerait la liste des clients de NSO. Or, Israël serait informé que «la plupart des clients achètent Pegasus spécifiquement pour se livrer à une surveillance de leurs oppositions politiques et de leur population [entre autres]». Le quotidien parisien souligne que Pegasus permet, au-delà de la simple écoute téléphonique, d’«aspirer l’ensemble des données contenues dans un téléphone, depuis les photographies ou les carnets d’adresses jusqu’aux messages échangés sur des applications, pourtant sécurisées, comme Signal ou WhatsApp». D’ailleurs, contrairement au phishing et méthodes habituelles permettant de pirater un appareil électronique, Pegasus peut, selon Le Monde,«être installé à distance, sans que la cible ait même besoin de cliquer sur un lien malveillant, et en toute discrétion, en s’appuyant sur des failles de sécurité dans les logiciels d’Apple et de Google».
Le journal affirme par ailleurs que parmi les clients espionnant des personnalités françaises (tels des diplomates, hauts fonctionnaires ou élus), se trouveraient des pays alliés de Paris comme le Maroc. Le Monde précise ainsi que le polémiste Eric Zemmour et le journaliste Edwy Plenel auraient tous deux fait l’objet de tentatives d’espionnage via ce logiciel, réussie dans le cas du second. Le téléphone du fondateur de Mediapart aurait ainsi été infecté peu après qu’il a critiqué la répression des manifestations dans le Rif, en 2019. Quant à E. Zemmour, auteur en février 2019 d’une diatribe contre les migrants marocains, un numéro qui lui était attribué (mais a depuis lors été désactivé) aurait été rentré dans l’outil de NSO, selon Le Monde. «Une trentaine de journalistes et de patrons de médias français figurent sur la liste des cibles de Pegasus, dans des rédactions aussi variées que Le Monde, Le Canard enchaîné, Le Figaro ou encore l’AFP et France Télévisions», écrit encore le journal.
Auprès des journalistes du Monde, Rabat a rejeté «catégoriquement les allégations [faisant état d’une] quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne». Le Monde fait savoir qu’une série d’articles «révélations» vont paraître toute la semaine pour démontrer que ces pratiques illégales et «abus sont la norme et non l’exception». Les journalistes nomment cette enquête le «Projet Pegasus». En réponse à l’investigation, NSO Group «nie fermement les fausses accusations portées». «Ces accusations sont pour beaucoup des théories non corroborées, qui jettent de sérieux doutes sur la crédibilité de vos sources, ainsi que sur le cœur de votre enquête», poursuit notamment l’entreprise.

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