Avec la guerre en Ukraine et l’incertitude engendrée par l’administration Trump, l’UE cherche à diversifier ses partenariats et renforcer ses liens politiques et économiques avec cette région asiatique longtemps délaissée. Composée d’États issus de l’empire soviétique, l’Asie centrale est souvent perçue comme un carrefour entre l’Orient et l’Occident.
« Nous vivons dans un monde de chaos et de fragmentation, où la seule solution possible pour l’UE est de renforcer les partenariats pour la paix et la prospérité. Dans un monde multipolaire, un engagement plus actif et ciblé est nécessaire. Le premier sommet UE-Asie centrale contribuera à renforcer nos engagements pour garantir ensemble la paix, la stabilité et le progrès durable », a écrit A. Costa, avant le sommet.
Sécurité et lutte contre le jihadisme y sont érigés en défis communs. Des ressortissants centrasiatiques ont commis des attentats à la fin de la décennie 2010, en Russie, à Stockholm ou Istanbul, rappelle Michaël Levystone, doctorant au Centre de recherches Europes-Eurasie (CREE) à l’INALCO et cofondateur de l’Observatoire de la nouvelle Eurasie.
Mais les questions de sécurité ne se limitent pas au seul islamisme radical. La sécurité énergétique est aussi une préoccupation de taille. L’accès sécurisé et diversifié aux sources d’énergie et aux ressources critiques est au cœur de l’agenda européen. L’Asie centrale et en particulier le Kazakhstan et l’Ouzbékistan sont riches en minerais, terres rares et métaux stratégiques comme le lithium ou le cobalt, avec des territoires qui restent à explorer. Il y a aussi au Kirghizstan et au Tadjikistan « un certain nombre de gisements qui ne demandent qu’à être explorés et sans doute exploités. Le Turkménistan reste un point d’interrogation sur la carte, avec peut-être des réserves dans le golfe du Karabagh sur la Caspienne », note le doctorant du CREE, pointant les difficultés d’accès à ce pays très autoritaire et fermé. Le mois dernier, Joseph Sikela, commissaire chargé des partenariats extérieurs, a signé un partenariat de 3 millions d’euros avec le Kazakhstan dans le domaine des matières premières critiques et des terres rares.
Région enclavée, très continentale, confinée entre de grandes puissances, l’Asie centrale « est redevenue du fait même de ce confinement une sorte de plaque tournante pour les échanges commerciaux, entre l’est et l’ouest, mais aussi entre le nord et le sud, puisque la Russie redéploie une partie de ses exportations qu’elle ne peut plus destiner au marché européen, vers les pays amicaux, comme elle les appelle, tels que l’Asie centrale, mais aussi l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan et l’Inde », explique M. Levystone.
Dans ce contexte, l’initiative Global Gateway, lancée par la Commission européenne en 2021, dans le but de promouvoir les investissements en infrastructure et de renforcer les liens économiques et commerciaux entre l’Europe et d’autres régions du monde trouve sa place en Asie centrale.
En amont de ce sommet de Samarcande, Jozef Síkela, commissaire européen chargé des Partenariats internationaux, a effectué une visite dans les cinq pays d’Asie centrale, marquée par la signature de plusieurs accords visant à renforcer cette stratégie, sorte de pendant européen à l’initiative chinoise de la Belt and Road Initiative (BRI). Dans la région, elle a défini quatre secteurs clés : les transports, les matières premières, la connectivité numérique et l’énergie durable.
L’Union européenne est le plus grand investisseur en Asie centrale. Elle y représente plus de 40 % des investissements directs étrangers au cours des dix dernières années et est en concurrence avec deux autres grands acteurs de la région : la Russie, culturellement et économiquement bien implantée, et la Chine. Ces deux pays, qui considèrent l’Asie centrale comme leur sphère d’influence, redoutent, en plus de la concurrence économique ce que représente l’UE en terme de soft power, lié principalement à l’exercice démocratique, laminé partout, et autres questions relatives aux droits de l’homme.