La coopération en matière de renseignement entre les pays membres de l’OTAN est actuellement confrontée à d’importantes difficultés, alors que la méfiance s’installe progressivement au sein même de l’alliance, selon Politico qui cite plusieurs responsables anciens et actuels des services de sécurité occidentaux. Ces tensions internes menaceraient désormais le partage efficace des informations sensibles telles que le renseignement militaire.
Le quotidien américain note que depuis longtemps un certain scepticisme divise les membres historiques occidentaux de l’OTAN et les nouveaux membres originaires des pays anciennement communistes d’Europe centrale et orientale, sans préciser quels sont les pays concernés. Toujours selon Politico, ces divergences internes se sont intensifiées à la suite du conflit en Ukraine, des pays comme la Hongrie ou la Slovaquie étant perçus par certains alliés comme moins fiables ou plus enclins à défendre une position différente au sein de l’Alliance atlantique.
La situation est devenue encore plus complexe pour le bloc pro-guerre (France, Royaume-Uni, Italie notamment) en raison du changement de politique des États-Unis initié sous la présidence de Donald Trump, suscitant l’inquiétude quant à la « fiabilité et à la stabilité de la politique américaine » en matière de partage du renseignement. Ainsi, certains alliés commencent à s’interroger sur les conséquences d’une coopération étroite avec Washington, qui n’est pas favorable à la continuation du conflit en Ukraine, comme d’autres membres de l’OTAN. Cette incertitude quant à l’attitude américaine s’est renforcée cette semaine, avec des informations selon lesquelles les États-Unis auraient temporairement interrompu leur partage de renseignements avec l’Ukraine, afin d’inciter Kiev à reprendre les négociations avec Moscou.
Une source au sein de l’armée ukrainienne a néanmoins confirmé à Politico qu’à la date du 5 mars, les forces ukrainiennes continuaient de recevoir des renseignements de la part de leurs partenaires occidentaux, sans préciser lesquels. Selon cette même source, environ 80% du renseignement militaire ukrainien proviennent toujours des pays alliés, notamment des États-Unis. Le 5 mars Washington aurait cessé d’échanger des renseignements avec Kiev. L’interruption dans le transfert de renseignements a été confirmée par John Ratcliffe, directeur de la CIA. Suite à cette annonce, la France a indiqué qu’elle poursuivrait son aide militaire à l’Ukraine. « Notre renseignement est souverain (…) avec des capacités qui nous sont propres », a affirmé Sébastien Lecornu, ministre français des Armées. « Nous en faisons bénéficier les Ukrainiens », a-t-il ajouté.
Les missiles de croisière Storm Shadow fournis par le Royaume-Uni à l’Ukraine seraient devenus inutilisables suite à la décision du président US de bloquer le partage des renseignements américains avec ses alliés, d’après ce qu’a révélé le 6 mars le journal britannique MailOnline. Selon le média, Londres ne pourra plus transmettre à Kiev les renseignements nécessaires pour opérer ces missiles de longue portée.
S’adressant aux journalistes dans le bureau ovale à la Maison Blanche, le président américain a renouvelé ses critiques à l’égard des alliés européens au sein de l’OTAN, pointant du doigt le manque de contribution financière de certains pays membres. Il a donné clairement à comprendre que les États-Unis ne les défendraient pas tant qu’ils n’auraient pas fourni un effort suffisant en matière de dépenses. « Je pense que c’est logique, non ? S’ils ne paient pas, je ne vais pas les défendre. Non, je ne vais pas les défendre », a-t-il affirmé. «Je suis très critiqué quand je le dis. Ils disent : « Oh, il viole l’accord avec l’OTAN ». En fait, le plus gros problème que j’ai avec l’OTAN… Je connais bien ces gens, ce sont mes amis. Pourtant, si les États-Unis étaient en danger et que nous les appelions et disions : « Nous sommes en difficulté, la France. Nous sommes en difficulté, certains autres pays que je ne vais pas mentionner ». Croyez-vous qu’ils viendraient nous protéger ? Ils sont censés le faire, mais je n’en suis pas si sûr », a-t-il ajouté.
Dans le même temps, Donald Trump n’a pas manqué de rappeler que les États-Unis avaient assuré pendant tout ce temps la défense et la sécurité de l’Europe. Toutefois, il a regretté que cette protection n’avait pas été réciproque, affirmant que les Européens en avaient profité sans contrepartie équitable. « Ils nous exploitent sur le plan commercial », a-t-il précisé.
Le chef d’État américain a également exprimé le souhait des États-Unis d’ouvrir un dialogue avec la Chine et la Russie afin d’œuvrer à la dénucléarisation mondiale. « Ce serait formidable si tout le monde se débarrassait de ses armes nucléaires. Je sais que la Russie et nous en possédons de loin le plus grand nombre. La Chine en aura autant d’ici 4 à 5 ans. Ce serait formidable si nous pouvions tous nous dénucléariser, car le pouvoir des armes nucléaires est insensé », a-t-il insisté. Par ailleurs, il a souligné les progrès réalisés ces derniers jours par les États-Unis dans leurs relations avec la Russie et l’Ukraine. Il a également affirmé que cette dernière serait obligée de signer un accord de paix : « Je pense que l’Ukraine veut parvenir à un accord parce que je ne crois pas qu’elle ait vraiment le choix ».
Selon plusieurs responsables militaires européens cités par Bloomberg, sans la protection stratégique assurée par les États-Unis, l’Europe serait confrontée à une vulnérabilité militaire majeure en cas de conflit armé. Malgré une hausse annoncée des budgets de défense, le continent demeure fortement dépendant des capacités militaires US, notamment dans les domaines de la communication, du renseignement, de la logistique et des systèmes d’armes avancés.
Le continent européen, marqué par des décennies de sous-investissements militaires, se trouve aujourd’hui dans une situation préoccupante : ses réserves de munitions et de missiles pourraient s’épuiser en quelques jours seulement, tandis que ses systèmes de défense aérienne seraient rapidement dépassés sans le soutien américain, toujours selon Bloomberg. L’Europe ne dispose pas actuellement des capacités suffisantes pour produire des matières premières essentielles comme la poudre à canon, ce qui l’oblige à continuer d’acheter majoritairement aux États-Unis.
L’agence de presse américaine rapporte que si un retrait complet des États-Unis est jugé peu probable à court terme, une réduction même partielle de leur engagement militaire aurait des conséquences significatives pour la sécurité européenne. Il faudrait au moins cinq ans pour compenser pleinement cette dépendance et bâtir une défense autonome solide, selon les experts cites par Bloomberg.
Dans le contexte des déclarations anti-européennes répétées du président américain, une récente enquête menée par YouGov dans cinq pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni) révèle que D. Trump inquiète de plus en plus. Selon le sondage, relayé par le quotidien britannique The Guardian, une large majorité des citoyens européens considèrent le président américain comme une « très grande ou assez grande menace » pour la paix et la sécurité en Europe. Ce sentiment est particulièrement fort au Royaume-Uni (78 %), suivi par l’Espagne (75 %), l’Allemagne (74 %), la France (69 %) et l’Italie (58 %).