Dans le sillage des incidents de la semaine dernière, d’autres émeutes ont suivi en donnant lieu à une joute politique autour de la communauté marocaine. Les jeunes binationaux parmi les émeutiers ont été associés à « des actes antisémites ». Une affaire montée de toute pièce que  le Parti pour la liberté (PVV) a vite récupéré pour en faire tout un plat au sein du Parlement. En tête depuis les élections de 2023, le xénophobe Geert Wilders, leader de la formation d’extrême droite, a même préconisé la déchéance de nationalité. Face à cette spirale, N. Achahbar a jugé bon de jeter l’éponge en signe de désaveu du PVV, membre de la coalition gouvernementale.  

Des sources néerlandaises rapportent que cette démission a exacerbé la fragilité d’un gouvernement qui a peiné à se constituer, rapporte NOS. « Si d’autres ministres démissionnent, ce qui n’est pas impossible », le Premier ministre Dick Schoof se confrontera à un problème « encore plus grave », ajoute le média. Ce n’est donc pas pour rien que les chefs des partis qui constituent le gouvernement (PVV, VVD, NSC et BBB) ont battu le rappel et tenu « des consultations » au Catshuis, la résidence officielle du chef de l’exécutif. 

La situation révèle ainsi une succession de tensions qui vont crescendo depuis les fameux incidents d’Amsterdam. Officiellement, la maire de la capitale a rendu public un rapport, mardi dernier, concernant les heurts du 7 novembre. Le lendemain, mercredi, la question a été débattue au Parlement, en présence du Premier ministre.  

N. Achahbar a fait état de « déclarations racistes »qui auraient été faites lors du conseil des ministres tenu ce jour-là, rapporte NOS. En tant que ministre, elle a souligné précédemment avoir « des objections » à certains termes utilisés par ses collègues. L’entourage de Judith Uitermark, ministre de l’Intérieur, qualifie cette démission de « coup dur », précise le même média. 

L’annonce du retrait de N.Achahbar, tour à tour procureure, avocate et juge, est révélé deux jours après le débat parlementaire au cours duquel le raciste G. Wilders a appelé le Premier ministre à requérir auprès du ministère public que les binationaux concernés par les émeutes se voient retirer leur nationalité néerlandaise, « en particulier les Marocains ». Sa démission fait planer le doute sur le devenir des autres ministres NCS au sein du gouvernement. 

Dans le pays, les déclarations de G. Wilders ont fait réagir la classe politique, mais aussi le tissu associatif. Abdou Menebhi, président fondateur d’EMCEMO (Centre euro-méditerranéen migration et développement), a insisté sur la nécessité de « résister au projet fasciste et l’empêcher », estimant que le sinistre G. Wilders trouvait « l’occasion idoine de faire sortir du tiroir tout son programme politique, qu’il défendait depuis longtemps et qu’il cherchait à mettre en œuvre, après avoir gagné les dernières élections ». 

Réagissant à la démission de N. Achahbar, Frans Timmermans, leader de l’opposition travailliste a jugé la démarche de la ministre « tout à fait justifiée », face à des propos racistes qui « érodent la confiance » populaire. A la tête du parti Démocrates 66, Rob Jetten a abondé dans le même sens, soulignant que « les déclarations racistes n’ont pas leur place dans l’administration de l’Etat ». A ce titre, il a exigé que les procès-verbaux des réunions du gouvernement et du débat parlementaire de cette semaine soient rendus publics. 

Pas moins de six organisations associatives marocaines aux Pays-Bas, dont l’EMCEMO, ainsi que deux représentations politiques nationales en Europe, ont publié vendredi une déclaration commune qui dénonce les tentatives de « créer la confusion et de déstabiliser la sécurité et la coexistence pacifique aux Pays-Bas ». Huit organisations marocaines actives aux Pays-Bas avaient condamné les violences survenues à Amsterdam, jeudi 7 novembre, à la suite du match opposant l’Ajax Amsterdam au Maccabi Tel Aviv. Dans un communiqué, les signataires imputent la responsabilité des incidents aux quelques 3 000 supporters du club israélien, dont beaucoup sont des membres de l’armée et des services de renseignements de leur pays. 

La déclaration a été signée par le Centre européen des droits humains, le Centre euro-méditerranéen pour la migration et le développement (EMCEMO), le Parti socialiste unifié – Europe occidentale, le parti de la Voie démocratique travailliste – Europe occidentale, l’Association des travailleurs marocains des Pays-Bas (KMAN), la Fondation Aknari, la Coalition contre l’islamophobie et contre le racisme, ainsi que l’Initiative marocaine pour les droits humains. 

Ces organisations ont estimé que la venue des supporters, dont beaucoup se sont déplacés spécialement d’Israël, n’avait pas eu pour but de soutenir uniquement le club, mais de « créer la confusion et de déstabiliser la sécurité et la coexistence pacifique aux Pays-Bas ». Comme elles ont critiqué un traitement médiatique « biaisé, favorable au narratif sioniste », tout en pointant la « diffusion de fausses informations sur les origines des violences ». Dans ce sens, elles soutiennent que les émeutes étaient « une réponse légitime aux provocations et aux attaques des supporters du Maccabi », qui ont commencé les hostilités depuis la veille, mercredi 6 novembre 2024. 

En outre, la déclaration avance que la police néerlandaise « n’est pas intervenue pour empêcher la violence, ce qui a permis aux supporters sionistes de scander des discours de haine, de détruire des biens et d’attaquer les habitants d’Amsterdam impunément ». 

Dans ce même registre, les organisations ont dénoncé une « association fictive et suspecte » prétendant représenter les ONG marocaines aux Pays-Bas, l’accusant de « diffuser des mensonges et de la désinformation au service des intérêts sionistes ». 

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