Un communiqué publié jeudi par le ministère de la Défense russe précise que l’unité militaire du système de missiles balistiques Iskander-M a mené une attaque de missile sur un point où sont stationnés « des combattants mercenaires étrangers » dans une entreprise de construction baptisée « Scorpion », située dans la zone industrielle de la ville de Kharkiv. « L’attaque a entraîné la mort d’environ 100 mercenaires étrangers, dont 40 instructeurs », a détaillé la même source. Et d’ajouter qu’ « environ 60 soldats de la 151e brigade mécanisée des forces armées ukrainiennes ont été tués » dans l’opération.

La partie ukrainienne n’a fait aucun commentaire dans l’immédiat. Le 23 juillet, le ministère russe de la Défense a annoncé avoir neutralisé une cinquantaine d’instructeurs militaires de pays occidentaux dans la région ukrainienne de Kharkiv en les ciblant avec un missile balistique Iskander-M.

Pour rappel, le 24 février 2022, la Russie a lancé une opération militaire en Ukraine, ce qui a provoqué de multiples réactions à l’échelle internationale notamment de l’Union européenne et des Etats-Unis, ainsi que l’imposition de sanctions financières et économiques inédites et des plus sévères à l’endroit de Moscou. La Russie affirme être intervenue pour protéger les populations russophones majoritaires dans les régions séparatistes du Donbass, notamment celles de Donetsk et de Lougansk qui souhaitaient obtenir leur indépendance de l’Ukraine et qui ont fini par être annexées par la Russie suite à deux référendums tenus en septembre 2022 dans ces territoires. La Russie pose, par ailleurs, comme préalable, pour mettre un terme à son opération, le renoncement de l’Ukraine à ses plans d’adhésion à des entités et alliances militaires, dont l’Otan, et l’adoption d’un statut de « neutralité totale », ce que Kiev considère comme étant une « ingérence dans sa souveraineté ».

A rappeler que le chef de la diplomatie ukrainienne a évoqué la possibilité d’une négociation avec la Russie lors de son récent séjour à Pékin. « La question n’est pas facile d’un point de vue juridique, c’est un problème à l’ordre du jour, mais d’un point de vue pratique, nous sommes ouverts à la réalisation de nos objectifs par le biais de négociations », a réagi jeudi 25 juillet Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin. La veille, il avait jugé que la légitimité de Volodymyr Zelensky pouvait compliquer le processus de paix, le mandat présidentiel de celui-ci ayant pris fin en avril dernier, s’ajoutant à l’interdiction en Ukraine de négociations avec Moscou tant que Vladimir Poutine serait président, du fait d’un décret pris en 2022. D. Peskov a souligné que la Russie dans son ensemble était ouverte aux négociations, mais que la situation restait selon lui floue en raison des positions ukrainiennes. « Il faut d’abord comprendre à quel point la partie ukrainienne est prête à cela et dans quelle mesure elle a, disons, l’autorisation de ses parrains occidentaux », a-t-il expliqué. « Car jusqu’à présent, voyez-vous, des déclarations très différentes ont été faites. Et ce n’est pas tout à fait clair encore », a-t-il précisé.  

Le 24 juillet, Dmytro Kouleba, ministre ukrainien des Affaires étrangères, était en visite à Pékin, où il a rencontré Wang Yi, son homologue chinois, la Chine ayant maintes fois plaidé pour une solution pacifique au conflit. Selon la diplomatie chinoise, le ministre aurait indiqué durant leur entretien que l’Ukraine était « disposée et prête à mener un dialogue et des négociations avec la partie russe », ajoutant que les négociations devaient être « sensées et substantielles » pour parvenir à une « paix juste et durable ».

Le communiqué du ministère ukrainien évoque quant à lui une ouverture si la Russie fait preuve de « bonne foi ». « Dmytro Kouleba a réitéré la position établie de l’Ukraine selon laquelle elle est prête à impliquer la partie russe dans le processus de négociation à un certain stade, lorsque la Russie sera prête à négocier de bonne foi. […] Une telle volonté n’est actuellement pas observée du côté russe », a-t-il souligné. Le 15 juillet dernier, V. Zelensky avait envisagé une participation de représentants russes à un prochain sommet sur l’Ukraine, avec les vives critiques de pays du Sud, notamment de la Chine, à la suite de la non invitation de la Russie lors du sommet en Suisse en juin dernier. Une déclaration accueillie avec scepticisme du côté de Moscou, qui reproche à l’Ukraine des positions irréalistes. Le président Zelensky a posé plusieurs conditions à la paix depuis 2022, évoquant notamment le retrait des forces russes des régions que l’Ukraine revendique encore, dont la Crimée rattachée en 2014 par référendum à la Russie.

De son côté, dans un discours de politique étrangère prononcé le 14 juin, le président russe avait indiqué que des négociations avec l’Ukraine pourraient être entamées dès lors que celle-ci retirerait ses troupes de ces régions, et accepterait d’opter pour un « statut neutre – non aligné, non nucléaire », évoquant aussi une « démilitarisation », une « dénazification » et une levée des sanctions contre la Russie.

Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a remercié son homologue chinois Wang Yi jeudi pour sa position sur l’Ukraine et salué les initiatives de Pékin pour résoudre la crise ukrainienne, lors d’une entrevue en marge du sommet de l’ASEAN au Laos. « Le chef du ministère russe des Affaires étrangères a exprimé sa gratitude pour la position équilibrée et cohérente sur la crise ukrainienne », a indiqué la diplomatie russe ce 25 juillet, dans la foulée d’une entrevue entre S. Lavrov et son homologue chinois W. Yi. Le ministre russe a de surcroît salué les initiatives de Pékin « visant à promouvoir des approches prenant en compte les intérêts de toutes les parties et impliquant l’élimination des causes profondes du conflit ». Les deux interlocuteurs ont aussi évoqué l’idée d’une « nouvelle architecture de sécurité en Eurasie », alors que la Russie dénonce une « stagnation des mécanismes euro-atlantiques ». La partie russe indique aussi avoir souligné  « l’intensification des activités de différents pays pour créer des mécanismes militaro-politiques visant à saper le système centré sur l’ASEAN », menaçant de saper la « stabilité dans la région Asie-Pacifique ». Cette rencontre intervient 24 heures après celle, à Pékin, entre W.Yi et D. Kouleba.

Les Américains inquiets

« L’issue, sur le terrain, en Ukraine est terriblement importante – vitale – pour la future sécurité européenne et mondiale », a déclaré le général américain Christopher Cavoli, lors du forum sur la sécurité d’Aspen, tenu du 16 au 19 juillet dans la station de ski du Colorado. « À la fin du conflit en Ukraine, nous aurons un très gros problème avec la Russie », a estimé ce commandant des forces américaines en Europe (Eucom). Et ce, « quelle qu’en soit la conclusion ». « Nous allons nous retrouver dans une situation dans laquelle la Russie reconstitue ses forces, se trouve aux frontières de l’OTAN, est dirigée en grande partie par les mêmes personnes qu’elle est actuellement, est convaincue que nous sommes l’adversaire et qui est très très en colère », a enchaîné le haut gradé qui, au vu de ce constat, a enjoint les pays européens à poursuivre leur soutien militaire à Kiev et à augmenter leurs propres capacités militaires.

Entre janvier 2022 et avril 2024, selon les chiffres du think tank allemand Kiel Institute for the World Economy (IFW), les chancelleries occidentales ont alloué plus de 101 milliards d’euros à leur soutien militaire à Kiev.

De son côté, Moscou dénonce régulièrement le rôle néfaste joué par l’OTAN à l’est de l’Europe et plus précisément dans le conflit ukrainien, la décrivant comme une « alliance ennemie ». « Il s’agit d’une alliance créée dans une époque de confrontation et dans le but de maintenir la confrontation », a dernièrement dénoncé ce 11 juillet à la presse Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin au lendemain du sommet de l’Alliance atlantique à Washington. La Russie prendra des « mesures réfléchies, coordonnées et efficaces » afin de « contrer la menace sérieuse » posée le bloc militaire occidental, a-t-il ajouté.

La Russie a dénoncé durant de nombreuses années l’élargissement de l’alliance militaire occidentale près de ses frontières. Une exigence que l’OTAN n’a pas écouté, conduisant selon Moscou à son opération en Ukraine. La neutralité de Kiev à l’égard de l’Alliance atlantique reste un objectif du Kremlin.

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