Trois semaines après le séisme politique provoqué par le président Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, les Français ont voté massivement dimanche au premier tour d’un scrutin particulièrement scruté à l’étranger.
Avec 33,2-33,5% des suffrages, le Rassemblement national (RN, extrême droite) et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d’un scrutin dans le sillage des européennes, selon les dernières estimations. Ils devancent le Nouveau Front populaire réunissant la gauche (28,1-28,5%), loin devant le camp d’Emmanuel Macron (21-22,1%).
L’extrême droite a demandé aux Français de lui donner une majorité absolue au deuxième tour. Le second tour des législatives de dimanche prochain sera « l’un des plus déterminants de toute l’histoire de la Ve République » française, fondée en 1958, a lancé Jordan Bardella, jeune président du RN. Les Français « ont rendu un verdict sans appel », s’est-il réjoui dimanche soir. Trente-neuf députés RN ont été élus dès le premier tour, contre 32 pour le Nouveau Front populaire.
« Il nous faut une majorité absolue », a lancé de son côté Marine Le Pen, cheffe de l’extrême droite française, présidente des députés RN, élue dès le premier tour dans le Nord. Si J.Bardella devenait premier ministre, ce serait la première fois qu’un gouvernement issu de l’extrême droite dirigerait la France depuis la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle un régime collaborationniste non élu avait été mis en place. Jean-Marie Le Pen, père de M. Le Pen, avait cofondé en 1972, avec deux anciens Waffen-SS, le Front national (devenu RN en 2018).
Alors que le traditionnel « front républicain » en France contre le RN apparaît moins systématique que par le passé, le parti de J. Bardella et M. Le Pen est en mesure d’obtenir une forte majorité relative voire une majorité absolue dimanche prochain.
Mais le scénario d’une Assemblée nationale bloquée, sans alliances majoritaires envisageables entre les trois blocs en présence, reste aussi une possibilité, un scénario qui plongerait la France dans l’inconnu.
Le pari d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin, est dans tous les cas définitivement perdu. J. Bardella, qui aspire à entrer à Matignon, a promis d’être « un premier ministre de cohabitation, respectueux de la Constitution et de la fonction du président de la République, mais intransigeant » sur son projet de gouvernement. Il s’agirait d’une cohabitation inédite entre E.l Macron, président pro-européen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l’U.E, qui pourrait faire des étincelles au sujet des prérogatives des deux têtes de l’exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense.
« L’extrême droite est aux portes du pouvoir », a alerté le premier ministre Gabriel Attal, appelant à « empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue ».
« Nous avons sept jours pour éviter à la France une catastrophe », a lancé de son côté le député européen de gauche Raphaël Glucksmann, qui a appelé tous les candidats arrivés en troisième position à se désister. À gauche, l’appel au barrage face au RN fait consensus : Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, a annoncé que ses candidats se retireraient s’ils terminaient troisièmes et que le RN était en tête. Il a en outre salué l’engagement de la jeunesse et des quartiers populaires lors de ce scrutin, appelant à donner une majorité au NFP, « car il est la seule alternative », alors que de nombreuses triangulaires incluent des candidats de gauche. « En toute circonstance (…) notre consigne est simple, directe et claire, pas une voix, pas une siège de plus pour le RN », a-t-il conclu.
La patronne des Écologistes Marine Tondelier a plaidé pour la « construction d’un nouveau front républicain », malgré son étiolement continu au fil des ans.
Une centaine d’organisations en France, dont des associations et des syndicats, ont appelé dimanche soir à voter contre le RN au second tour. « Pas une voix ne doit manquer à la défaite du RN », ont estimé les signataires de cet appel, rédigé à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme (LDH).
LR a pour sa part refusé de donner des consignes de vote.