Avant de quitter Paris où étaient réunis Américains, Ukrainiens et Européens pour tenter de se coordonner face à la Russie, M. Rubio a laissé entendre que Washington pourrait se retirer des efforts de paix en Ukraine si les discussions continuaient à piétiner. « Les Etats-Unis ont d’autres priorités » que l’Ukraine. « Nous devons déterminer dans les prochains jours si (la paix) est faisable ou non », et « si ce n’est pas possible, nous devons passer à autre chose, car les États-Unis ont d’autres priorités » a-t-il déclaré à quelques journalistes au pied de son avion à l’aéroport parisien du Bourget. D. Trump « a passé 87 jours au plus haut niveau de son gouvernement à multiplier les efforts pour mettre fin à cette guerre », alors qu’il avait donné 100 jours à ses émissaires pour achever cet objectif, a-t-il poursuivi.

Près de trois mois après son arrivée à la Maison Blanche, D. Trump est donc en train de préparer les esprits à la fin des négociations pour un cessez-le-feu en Ukraine. « Nous ferons ce que nous pourrons… à la marge. Nous serons prêts à vous aider lorsque vous serez prêts à faire la paix, mais nous n’allons pas poursuivre cette entreprise pendant des semaines et des mois. Nous devons donc déterminer très rapidement, et je parle de quelques jours, si cela est faisable ou non au cours des prochaines semaines. Si c’est le cas, nous sommes prêts. Si ce n’est pas le cas, nous devons nous concentrer sur d’autres priorités… », a laissé entendre M. Rubio « Je pense que le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne peuvent nous aider, faire avancer les choses et nous rapprocher d’une résolution. J’ai trouvé leurs idées très utiles et constructives, lors de discussions la veille avec les alliés de Kiev à Paris », a jugé le chef de la diplomatie américaine. Il a rappelé que le conflit russo-ukrainien se déroulait « sur le continent européen ».

Depuis son investiture en janvier dernier, le président américain a opéré un rapprochement avec Vladimir Poutine et affirme œuvrer pour un cessez-le-feu rapide en Ukraine. Mais les discussions n’avancent guère. Kiev avait cédé à la pression américaine en acceptant une trêve inconditionnelle de 30 jours, ignorée par la Russie. S. Witkoff, émissaire spécial de Trump, a rencontré le président russe pour la troisième fois début avril.

De leur côté, la France et le Royaume-Uni ont créé une « coalition des volontaires » regroupant une trentaine de pays alliés de l’Ukraine. Cette coalition travaille notamment à établir une « force de réassurance » pour garantir un éventuel cessez-le-feu et prévenir toute nouvelle agression russe. Cependant, l’idée d’un contingent militaire multinational en cas d’accord de paix, souhaitée par l’Ukraine, reste inacceptable pour Moscou.

Entre jeudi 17 avril et vendredi 18 avril, de nouvelles attaques russes ont frappé plusieurs grandes villes ukrainiennes, causant au moins deux morts et 40 blessés, selon les autorités ukrainiennes.

Satisfécit français

« Nous avons déclenché aujourd’hui à Paris un processus qui est positif et auquel les Européens sont associés », s’est félicitée jeudi la présidence française à l’issue d’une série de réunions à l’Élysée, selon des propos rapportés par la presse. Toujours selon la même source, Paris s’est également félicité d’un « excellent échange » qui a « permis de converger » en faveur d’une « paix solide ». « Nous sommes arrivés à Paris avec un but en tête : définir des solutions concrètes pour terminer la guerre entre la Russie et l’Ukraine » et faire cesser « le bain de sang inutile », avait posté sur X le patron de la diplomatie US. Ce dernier, qui effectuait son premier déplacement en France depuis sa nomination au poste de Secrétaire d’État, a également annoncé la présence de l’envoyé spécial du président américain pour la Russie et l’Ukraine : Keith Kellogg.
Plus tôt dans la journée, Andriï Ermak, chef de l’administration présidentielle ukrainienne et proche de Volodymyr Zelensky, avait également annoncé sur les réseaux sociaux son arrivée à Paris. Celui-ci était accompagné de deux ministres : celui des Affaires étrangères Andriï Sybiha et son homologue de la Défense Roustem Oumérov. A. Ermak a notamment relaté que la délégation ukrainienne avait eu des entretiens avec le conseiller diplomatique d’E.Macron, Emmanuel Bonne, le Conseiller à la Sécurité nationale du Royaume-Uni, Jonathan Powell, ainsi que son homologue allemand, Jens Plötner. Sur des chaînes françaises et américaines, les images de rencontres à l’Élysée ont circulé. Tant sur des plateaux, que dans des titres de la presse écrite, la piste d’une « engueulade » des Européens par les Américains a été évoqué. En effet, comme l’a notamment souligné le quotidien suisse Blick, qui n’exclut pas cette hypothèse, deux sujets fâchent l’administration Trump, à savoir la volonté de Paris d’envoyer des troupes en Ukraine en cas de cessez-le-feu − malgré le non catégorique des Russes à une telle présence de l’OTAN − ainsi que l’annonce par E. Macron d’une possible reconnaissance par Paris d’un État palestinien. D’après un communiqué de l’Élysée rendant compte d’un « entretien suivi d’un déjeuner de travail » entre E. Macron et les deux Américains en « présence » du chef de la diplomatie française et d’E. Bonne, les discussions ont « principalement porté sur les négociations de paix » en Ukraine. Selon la même source, « d’autres sujets d’actualité » auraient été abordés, dont les droits de douane entre les deux rives de l’Atlantique nord et « la situation au Proche-Orient ».

Toujours dans la journée de jeudi, depuis Kiev, V. Zelensky a accusé lors d’une conférence de presse l’émissaire américain d’avoir « adopté la stratégie de la partie russe » et de « diffuse[r] consciemment ou inconsciemment des récits russes ».

« Malheureusement, nous constatons que l’Europe se concentre sur la poursuite de la guerre », avait pour sa part regretté plus tôt Dmitri Peskov. Soulignant que les États-Unis « continuent d’œuvrer dans le sens » d’un règlement « avec les Européens et les Ukrainiens », le porte-parole du Kremlin avait déclaré espérer que ces derniers « s’orientent vers la recherche d’une solution pacifique ».

A l’issue de cette journée de tractations, J-N. Barrot a déclaré qu’Américains, Européens et Ukrainiens s’étaient « donné rendez-vous la semaine prochaine à Londres pour poursuivre les échanges ».

L’ordre donné le 18 mars dernier par le président russe Vladimir Poutine d’arrêter pendant 30 jours les frappes sur les sites énergétiques en Ukraine « a expiré », a annoncé vendredi le Kremlin. « Le mois (de moratoire) a en effet expiré. Pour le moment, il n’y a pas eu d’autres instructions de la part du commandant en chef suprême, le président Poutine », a déclaré D. Peskov, lors de son briefing quotidien, en réponse à une question de l’AFP. Il a ainsi acté la fin, côté russe, de ce fragile moratoire que Moscou et Kiev se sont accusés mutuellement de violer.

Business as usuel

Par ailleurs, on signale aussi que les États-Unis et l’Ukraine ont signé un protocole d’intention en vue d’un accord sur les ressources minérales ukrainiennes, a déclaré sur Facebook Ioulia Svyrydenko, Première vice-première ministre et ministre de l’Économie de l’Ukraine. La signature a eu lieu en ligne. Pour les États-Unis, ce mémorandum a été signé par Scott Bessent, le secrétaire au Trésor. « C’est, en substance, ce sur quoi on s’était accordé précédemment », a-t-il assuré jeudi devant la presse. Toutefois, le document signé n’est pas un accord, mais confirme l’intention de conclure un accord complet à l’avenir.

I.Svyrydenko a indiqué que, dans le cadre de l’accord, Washington et Kiev prévoyaient « la création d’un Fonds d’investissement pour le rétablissement de l’Ukraine ». D’après le mémorandum, le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal se rendra à Washington la semaine prochaine pour rencontrer le secrétaire au Trésor américain et discuter de la création d’un Fonds d’investissement. « Un accord dans ce sens offrira des possibilités pour des investissements importants, une modernisation de l’infrastructure et une coopération mutuellement bénéfique entre l’Ukraine et les États-Unis : c’est à cette fin que nos équipes travaillent sur ce document », a-t-elle ajouté.

L’accord éventuel, que les États-Unis considèrent comme un moyen de récupérer l’argent dépensé pour aider Kiev dans son conflit avec Moscou, pourrait être signé dès la semaine prochaine. Les États-Unis et l’Ukraine étaient censés signer un accord sur les ressources minérales ukrainiennes lors de la visite de V. Zelensky à Washington fin février. Cependant, la signature a été perturbée en raison d’une altercation entre le politicien ukrainien et le président américain à la Maison Blanche.

En mars dernier, les États-Unis ont proposé une nouvelle version, plus dure, de l’accord sur les terres rares qui incluait tous les minéraux de l’Ukraine et prévoyait également que Kiev transférerait les revenus des minerais à un fonds spécial, tandis que l’aide américaine à partir de 2022 serait considérée comme la contrepartie des États-Unis. Iaroslav Jelezniak, député à la Verkhovna Rada (parlement ukrainien), a ainsi indiqué que ce nouveau projet d’accord sur les minerais était très défavorable à Kiev et pourrait accroître la dépendance de l’Ukraine à l’égard des États-Unis.

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