« Nous y sommes favorables, mais avec des réserves. Quelles réserves ? Tout d’abord, qu’allons-nous faire avec la zone d’incursion ukrainienne dans la région de Koursk ? Si nous instaurons un cessez-le-feu de 30 jours, qu’est-ce que cela veut dire ? Que tous ceux qui s’y trouvent partiront sans avoir à se battre ? Sommes-nous censés les laisser partir après qu’ils ont commis toute une série de crimes contre la population civile ? Ou bien les dirigeants ukrainiens leur donneront-ils l’ordre de déposer leurs armes, de se rendre en tant que prisonniers de guerre ? Comment cela se passera-t-il ? Ce n’est pas clair », a indiqué le président russe. Il a également soulevé plusieurs interrogations concernant les intentions réelles de Kiev en cas de trêve. Le maitre du Kremlin s’interroge ainsi sur l’utilisation d’une période de cessez-le-feu par les autorités ukrainiennes : « Ces 30 jours seront utilisés pour faire quoi ? Pour permettre la poursuite de la mobilisation forcée ? Pour permettre l’acheminement d’armes là-bas ? Pour permettre la formation des unités nouvellement mobilisées ? » Il s’est aussi demandé : « Qui donnera les ordres de cesser le feu [en cas de trêve entre la Russie et l’Ukraine] ? Quelle valeur auront ces ordres ? »
Malgré ces réserves, le chef d’État russe s’est toutefois montré favorable à la proposition de trêve, soulignant que celle-ci devrait nécessairement aboutir à une paix durable et résoudre les causes profondes de la crise actuelle. Concernant l’incursion ukrainienne dans la région de Koursk, V. Poutine a précisé que les forces ukrainiennes présentes étaient désormais complètement isolées. « Le groupement qui a pénétré sur notre territoire est isolé. Il s’agit d’un isolement complet et entièrement sous le contrôle de l’artillerie. […] Si dans les prochains jours ils se retrouvent physiquement bloqués, absolument personne ne pourra ressortir. Ils n’auront que deux possibilités : se rendre ou mourir. Dans ces conditions, il me semble que la partie ukrainienne aurait tout intérêt à parvenir à un cessez-le-feu d’au moins 30 jours, et nous y sommes favorables », a-t-il fait savoir. Le président a souligné que l’armée russe poursuivait actuellement son offensive sur tout le front et pas que dans la région de Koursk. De son côté, Alexandre Loukachenko, président biélorusse, a conclu en soulignant l’importance cruciale d’un éventuel accord entre Moscou et Washington, estimant que cela aurait des conséquences significatives pour l’Europe et l’Ukraine. « Si la Russie et les États-Unis parviennent à un accord, l’UE et l’Ukraine seront dans le pétrin », a-t-il précisé.
Le président ukrainien a accusé vendredi son homologue russe de « saboter la diplomatie » concernant la trêve proposée en Ukraine et sur laquelle le maître du Kremlin a exprimé des réserves, exhortant Washington à répondre. V. Poutine « fait désormais tout ce qu’il peut pour saboter la diplomatie en posant des conditions extrêmement difficiles et inacceptables dès le départ, avant même un cessez-le-feu », a dénoncé V. Zelensky sur X. « Poutine ne mettra pas fin à cette guerre de son propre chef. Mais la force de l’Amérique est suffisante pour y parvenir », a-t-il ajouté, appelant Washington à « des mesures fortes ».
La veille jeudi, Iouri Ouchakov, conseiller présidentiel russe, a pris la parole pour exposer la position de Moscou sur la situation en Ukraine et les discussions en cours avec les États-Unis. Après un appel avec Mike Waltz, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, il a répondu aux médias russes et précisé la ligne adoptée par le Kremlin face aux propositions de cessez-le-feu et aux négociations en cours.
Lors de son échange avec M. Waltz, le responsable russe a clairement affirmé que Moscou était contre la proposition d’un cessez-le-feu temporaire de 30 jours, qui avait été discutée à Djeddah entre les États-Unis et l’Ukraine. Il a souligné que cette initiative ne servirait qu’à accorder un répit aux forces ukrainiennes, leur permettant de regrouper leurs troupes et de poursuivre le conflit dans de meilleures conditions. Dans une interview accordée à la chaîne Rossiya 1, il a déclaré : « notre objectif est un règlement pacifique à long terme, nous nous y efforçons, un règlement qui prenne en compte les intérêts légitimes de notre pays. Il me semble que personne n’a besoin de mesures simulant des actions pacifiques dans cette situation ». Il a insisté sur le fait que la Russie ne cherchait pas une simple pause dans les hostilités, mais une solution durable garantissant ses intérêts stratégiques. Il a ajouté « qu’obtiendrons-nous? Une trêve temporaire de 30 jours. Qu’est-ce que cela nous apporte? Rien. Elle ne fait que donner aux Ukrainiens l’occasion de reprendre des forces et de continuer de même ».
Malgré les tensions, les discussions entre la Russie et les États-Unis se poursuivent. I. Ouchakov a confirmé qu’il entretenait des contacts réguliers avec M. Waltz depuis la nomination de ce dernier au poste de conseiller à la sécurité nationale. Il a noté que les échanges actuels se déroulaient dans un climat plus posé et structuré que sous l’administration Biden, ce qui, selon lui, permet d’aborder les dossiers avec davantage de sérieux.
Dans le cadre des négociations, une question clé a été abordée : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. I. Ouchakov a indiqué que ni la Russie ni les États-Unis ne considéraient cette option comme viable dans l’état actuel des discussions. « Les Américains et nous-mêmes pensons que l’Ukraine ne fera pas partie de l’OTAN », a-t-il déclaré. Il a également précisé que, bien qu’il restait impliqué dans ces négociations à travers ses propres canaux, ce sont des représentants russes désignés qui mèneront directement les pourparlers avec les Américains sur la question ukrainienne.
Un autre élément marquant est l’arrivée à Moscou de Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump. Contrairement à certaines spéculations, sa venue ne se limite pas à la question ukrainienne. I. Ouchakov a expliqué à la presse russe « qu’il est venu pour discuter non seulement de l’Ukraine, mais aussi des relations russo-américaines et de leur développement futur, y compris l’aspect économique ». S. Witkoff devrait rencontrer V. Poutine dans la soirée, après un entretien avec le président biélorusse Alexandre Loukachenko. Interrogé sur les pourparlers, I. Ouchakov s’est montré discret, indiquant que les contacts entre la Russie et les États-Unis resteraient confidentiels et que le Kremlin ne souhaitait pas commenter publiquement leur contenu. « Tout le monde en parle, mais je ne ferai pas de commentaire, car nous avons convenu que ce type de contacts serait de nature confidentielle », a-t-il déclaré.
Frapper la Russie
Sous l’impulsion du président Emmanuel Macron, les chefs militaires de 34 pays se sont réunis à Paris mercredi 12 mars pour discuter des prochaines étapes du conflit en Ukraine. Selon AP, Paris et Londres cherchent à renforcer leur implication militaire, avec un plan qui pourrait aller jusqu’à des frappes directes sur des cibles russes si Moscou décidait de lancer une offensive après une trêve éventuelle.
Un responsable occidental basé à Kiev, cité par AP, a confirmé que l’idée de frappes directes faisait partie des discussions. Il s’agirait de réagir militairement à toute violation d’un cessez-le-feu par la Russie, ce qui signifierait une escalade directe entre les puissances occidentales et Moscou. Outre cette possibilité d’attaque, Paris et Londres envisagent la mise en place d’un contingent militaire en Ukraine sous prétexte de « protéger les infrastructures stratégiques ». Ces troupes ne seraient pas directement sur la ligne de front mais stationnées près de sites sensibles, comme les centrales nucléaires. Ce contingent serait soutenu par des forces aériennes et navales occidentales, et le territoire ukrainien serait surveillé par des drones et d’autres technologies avancées.
Un autre volet du plan concerne l’établissement de bases logistiques en Europe pour stocker des armes lourdes et du matériel militaire pouvant être déployés en urgence en Ukraine. Cette stratégie vise à maintenir une présence militaire occidentale permanente, même en cas de cessez-le-feu.
Malgré l’avancement des discussions, aucun plan définitif n’a été adopté, et plusieurs questions restent ouvertes. Selon AP, il n’est toujours pas clair qui commanderait cette force et sous quel cadre légal elle opérerait. Les États-Unis n’ont pas été conviés à cette réunion, signe que Paris et Londres veulent affirmer leur autonomie militaire tout en poursuivant l’affrontement avec Moscou.
Du côté de Kiev, V.Zelensky a salué l’initiative occidentale, tout en exprimant des doutes sur son efficacité. Selon AP, il réclame davantage d’armes et des engagements plus concrets pour assurer la sécurité de son pays. Cette position souligne la dépendance totale de l’Ukraine vis-à-vis de l’aide occidentale pour poursuivre les hostilités.
À Moscou, les autorités n’ont pas encore réagi officiellement. Cependant, le Kremlin a déjà mis en garde à plusieurs reprises contre toute tentative d’ingérence militaire directe en Ukraine. La Russie a déclaré qu’elle considérerait l’arrivée de troupes étrangères sur le sol ukrainien comme une menace, pouvant entraîner des représailles militaires immédiates.