Ardent défenseur du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, G. Corm avait accepté de 1998 à 2000 le poste de ministre des Finances au sein du gouvernement dirigé par Salim Hoss, dans un pays confronté au lendemain d’une dramatique guerre civile qui a ruiné son économie. Son action a néanmoins toujours été marquée par la volonté de renforcer l’indépendance de l’Etat libanais dont la force, disait-on, était tirée de sa faiblesse…

Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, il écrivait en 2016 que « les conflits les plus spectaculaires ont en effet eu lieu au Proche et au Moyen-Orient et leurs justifications se sont inscrites le plus souvent dans la thèse débilitante du conflit des civilisations ou de la lutte contre le terrorisme « transnational », entendez d’origine religieuse islamique. » Ce qui ne l’empêchait pas de dénoncer le wahhabisme et son instrumentalisation par les États-Unis et la Grande-Bretagne pour contrer les velléités plus ou moins marxistes des nationalismes arabes et des pays du tiers-monde.

Dans son opus de 2012 intitulé « Pour une lecture profane des conflits », il s’est interdit de succomber au « chaos mental », explicatif, depuis la fin de la guerre froide d’un chaos de violences, irriguant notamment les médias dominants pour légitimer, à nouveau, les interventions des puissances occidentales en Orient. Cinq ans plus trad, « La Nouvelle Question d’Orient » qu’il venait de commettre  se penchait sur les facteurs internes propres au monde arabe et au Moyen-Orient et les facteurs externes, a entendre l’hégémonie politique et militaire que les pays occidentaux entendent imposer au monde en général et arabe en particulier, en soulevant une question essentielle. « De l’ancienne à la nouvelle question d’Orient, ne s’agit-il pas en réalité d’une question d’Occident, détenteur à la fois de la force douce (soft power) et dure (hard power), toujours désireux de faire marcher le monde derrière ses désirs, imaginaires et ses pulsions de puissance ? », interpellait-il.

G. Corm s’était déjà essayé à passer au crible La Question religieuse au XXIe siècle (2006). Un livre sous-titré Géopolitique et crise de la postmodernité dans l’auteur démontait la rhétorique convenue des grands médias qui ânonnait ad nauseam que la géopolitique mondiale serait traversée par « le retour du religieux ». Et invalidait les idées reçues sui generis en montrant que, derrière cette formidable propagande, ce sont les idées même des Lumières qui sont attaquées (elles seraient coupables d’avoir gommé les identités religieuses). Il passe au crible les vieilles démocraties et leur crise de légitimité, minées qu’elles sont par les effets de la mondialisation économique et financière. Une crise qui touche également les trois monothéismes, source des extrémismes religieux. Avec cette disparition, l’analyse progressiste du Moyen-Orient perd une véritable icône.

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